La Valse de Camille Claudel retrouve sa famille
Jeudi 02 avril 2020
extrait de "Adjugé ! La saga des Rouillac"
par Aymeric Rouillac
Camille Claudel est le sculpteur qui épouse le mieux cet esprit 1900. Élève et maîtresse de Rodin, elle égale le maître quand elle ne le dépasse pas. Elle reprochera à Rodin de se nourrir de son travail, à la façon de Saturne dévorant ses enfants. Sombrant dans la folie, Camille est internée par sa famille et décède dans l’indigence. Je suis contacté au printemps 2017 par une famille de l’Oise, qui a retrouvé dans un placard un bronze de Claudel enveloppé dans des couvertures écossaises. Il représente un homme et une femme dansant à moitié nus et avait été rangé à l’abri des regards. Des recherches précises avec le cabinet d’expertises Sculptures et collection nous apportent la certitude que ce bronze est une pièce unique, probablement réalisée de manière clandestine par l’artiste elle- même pour un collectionneur, afin de passer outre le monopole de son éditeur. Ce groupe montre le moment précis où, emporté par la musique, un couple de valseurs s’étreint dans un mouvement de drapé proche de la lévitation (cat. 168). Les poses sont incroyables et le baiser déposé par l’homme dans le cou de la femme, d’une sensualité folle. Le jour de la vente, les enchères se jouent au téléphone entre les États-Unis et l’Allemagne. La petite-nièce de Camille Claudel, Reine-Marie Paris, a pris place dans la salle, au premier rang du château d’Artigny. Elle qui fit tant pour réhabiliter sa tante est émue de se trouver à quelques encablures de la rivière l’Indre où se baignait Camille lors de ses séjours en Touraine, à l’Islette. Alors que le marteau va tomber, elle lève théâtralement la main et emporte l’en- chère sous les applaudissements du public. Jamais une telle somme n’avait été dépensée pour cette sculpture, que Reine-Marie Paris envisage un jour d’offrir au musée de Nogent consacré à sa tante. La nouvelle fait le tour du monde : Camille a retrouvé sa famille ! Les valseurs peuvent continuer de dan- ser en paix, sans craindre de retomber dans l’oubli, ou d’être emportés par la vague d’Hokusai !