Enchères : l’histoire incroyable du coffre japonais de Mazarin
Mardi 14 mai 2013
Les Echos.fr, Pierrick Fray
Porté disparu et recherché par les plus grands musées, ce coffre fabriqué en 1640 et vendu à Mazarin, a été retrouvé par hasard dans le Val de Loire. Il servait de bar à un particulier...
Il était venu pour expertiser des meubles de famille, il est reparti avec un véritable monument historique, un coffre ayant appartenu jadis au cardinal Mazarin. Philippe Rouillac est commissaire-priseur. En janvier dernier, il est contacté, comme cela arrive très souvent, par des particuliers qui souhaitent vendre leur maison familiale dans le Val de Loire. Ils pensent que certains meubles peuvent avoir de la valeur et pourraient être vendus aux enchères, ils ne croyaient pas si bien dire.Sur place, Philippe Rouillac jette un oeil d’expert aux différents meubles de la maison, dont une vieille pendule hollandaise dans la famille depuis des lustres, mais ce n’est qu’à l’heure de l’apéritif, qu’il avise un gros coffre en cèdre qui fait justement office de minibar, « le bar à papa », comme l’appelle affectueusement les propriétaires. C’est leur père qui l’a acheté dans les années 70 à un britannique «pour une bouchée de pain ». Il est assez imposant, 1,40 mètre de large, en laqué or, argent et nacre sur fond noir, avec une serrure en métal richement ciselée de fleurs de magnolias, gardées par deux tigres et un dragon doré sur fond noir. Il paraît très ancien. «Comment cela le bar à papa est exceptionnel », s’exclament les jeunes propriétaires lorsque Philippe Rouillac leur demande son origine. « Il est d’une très belle qualité, la laque est très fine, il est de très grande dimension, il faut absolument faire une expertise », leur explique alors le commissaire-priseur basé à Vendôme.
Une histoire mouvementée
Commence alors un « véritable jeu de piste, une enquête à la Sherlock Holmes », mené par Aymeric Rouillac…qui découvre un coffre similaire, mais plus petit, exposé au Victoria and Albert Museum à Londres. Sur le site internet du Musée , une phrase interpelle Aymeric Rouillac. Il y est question d’un deuxième coffre en laque ayant appartenu à Mazarin et dont on perd la trace en 1941 lors du bombardement de Londres par les Allemands… « A-t-il été détruit durant la Seconde Guerre mondiale ou dort-il dans un grenier sans que ses propriétaires aient conscience de ce qu’ils possèdent ? », s’interroge le musée britannique… En fait, il ne dormait pas, mais servait de réserve pour l’apéritif, après son rachat par un ancien ingénieur français de retour dans le Val de Loire à sa retraite.« C’est l’un des meubles les plus recherchés au monde », assure Aymeric Rouillac qui a passé trois mois pour reconstituer le parcours exceptionnel de ce coffre, importé du Japon, acheté à prix d’or par Mazarin, alors l’homme le plus riche d’Europe, avant de migrer en Angleterre à la Révolution française dans les bagages du Duc de Bouillon. « Cela nous arrive régulièrement de faire des découvertes chez les gens, mais pas à ce point. Il est dans un état remarquable », selon Aymeric Rouillac, encore tout excité par cette découverte.