FR
EN

Ça c'est Tours : sortir du bois

Mardi 08 décembre 2015

Le Figaro, Éric Biétry-Rivierre,


Vernissage de l'exposition "Faites un rêve avec Chomo !" au château de Tours. Les Rouillac, commissaires-priseurs de père en fils, affichent leur passion pour l'« ermite de la forêt de Fontainebleau» avec une belle rétrospective.

Chez les Rouillac, commissaires-priseurs de père en fils, la demeure tourangelle ne conserve guère le souvenir de ventes prestigieuses. Pas de photos du Cranach acquis par la reine d'Angleterre ou du portrait de Washington acheté par la Maison-Blanche. Rien sur le foulard que portait Louis XVI le jour de son exécution ou sur les notes de voyages du marquis de Sade, reliques pourtant passées par leur étude.

Non, les Rouillac n'ont qu'une passion : l'œuvre de Roger Chomeaux, dit Chomo. Seize ans après le décès de celui que la presse avait surnommé l'«ermite de la forêt de Fontainebleau», six ans après la rétrospective qui le révéla à la Halle Saint-Pierre, à Paris, ils lui rendent hommage au château voisin, jusqu'au 14 février. Pour le vernissage, les enfants sont là, qui restent encore ébahis par ce père si singulier. De temps en temps, ils retournent pique-niquer dans son bric-à-brac d'Achères-la-Forêt, un univers digne du Facteur Cheval. Avec l'aide des Rouillac et d'une association d'amis militant pour un classement du site (proche de celui du Cyclop de Jean Tinguely), ils ont seulement mis la majorité des sculptures à l'abri dans un entrepôt. D'autres, en béton alvéolé ou en grillage pour cage à poules saturent l'espace.

La maison cossue est devenue une vitrine pour les bâtiments d'Achères, merveilles de bricolages à base de troncs d'arbre, de plâtre et de bouteilles de verre. Ce sont des cathédrales New Age, des chefs-d'œuvre en rebuts recyclés. Chomo n'était pas un autodidacte de l'art brut et encore moins un de ces candidats dociles au panthéon de l'art contemporain. Certes, il avait suivi une formation académique, avait connu un peu Picasso. Mais il était totalement hors des clous. Définitivement inclassable depuis qu'il avait claqué la porte de sa seule est unique exposition organisée de son vivant. C'était en 1960, à la Galerie Jean Camion, rue des Beaux-Arts. Désormais retiré, il prévenait ses hôtes par des écriteaux du style: «Vous qui entrez ici, vous n'êtes pas certain d'en sortir.» Clara Malraux et Jacques Attali avaient bravé ces pièges à loups.

Chomo vivait sans eau ni électricité. Le terrain avait été acheté par son épouse pendant la guerre. Ses concrétions y ont proliféré jusqu'à sa mort. Aujourd'hui, chez les Rouillac, famille et amis sont convaincus qu'à l'heure où l'on parle de développement durable et de consommation raisonnée, cet art est celui d'un visionnaire.
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :