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Confinement à la bretonne…

Samedi 21 mars 2020

Cette semaine, Corinne nous fait parvenir la photo d’un meuble emblématique d’une région de France. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui donne son avis.


Intitulé Gwele-kloz en breton, le meuble que présente Corinne est un lit-clos. Il prend la forme d’une large armoire ouvrant au centre par deux portes. Le bois massif est sculpté et ajouré de symboles avec la date de « 1790 ». La plupart du temps fait de chêne ou de châtaignier, un lit-clos mesure environ un mètre soixante-dix de long. Avec des couchages sur plusieurs niveaux, comme les lits superposés modernes, il accueille les adultes en bas et les enfants à l’étage. Les proportions de ce meuble illustrent l’augmentation de la taille moyenne des individus, mais témoignent surtout d’une manière différente de trouver le sommeil par le passé : non pas allongé comme aujourd’hui, mais de trois quarts sur des coussins.

Le lit-clos est emblématique de la Bretagne, et plus encore de la Basse-Bretagne, c’est-à-dire le Finistère et une partie du Morbihan. Il conserve dans ces régions plus rurales une place centrale dans l’habitation jusqu’au début du XXe siècle. Zone la plus occidentale du territoire métropolitain, encerclée par l’océan, le style breton a su résister à l’influence de ses voisins. Cette pureté semble toutefois fantasmée ; ce lit est une preuve du mélange des influences. Des motifs celtes typiques sont naturellement identifiables : ils prennent la forme de spirales ou d’entrelacs rappelant des triskèles. Néanmoins, les rosaces, fleurons, arcatures et fleurs stylisées, évoquent une inspiration allant du gothique européen à la Renaissance italienne !

Un indicateur de la classe sociale de ses occupants

Le lit-clos est à la Bretagne ce que l’armoire est à la Normandie : un marqueur culturel. Il est censé conserver la chaleur de ses habitants tout en les préservant de l’humidité par sa hauteur. Selon les légendes, les loups et autres bêtes maléfiques, s’aventuraient dans les habitations pour dévorer les nouveaux nés et les petits enfants… Le lit-clos protège alors derrière ses portes, et symboliquement grâce à ses motifs, ses habitants. Au-delà de son caractère fonctionnel, placé au centre de la pièce à vivre, il reflète la classe sociale de son propriétaire. Richement gravé ou plus modeste, son origine provient de la même croyance populaire.

Le meuble de Corinne a peut-être été légèrement remanié, transformant le couchage en bibliothèque ou étagères. À l’origine, il allait de pair avec un autre meuble appelé « banc-tossel », à la fois coffre et marchepied. Ayant perdu sa fonction et étant très encombrant, son estimation sera très basse. Nous l’estimerons donc autour de 100 euros, peut-être un peu plus lorsqu’il est plus richement sculpté et que l’intérieur n’a pas été remanié.

En ces temps de confinement, nos amis Bretons, tout comme les nombreux Parisiens qui les rejoignent pour se confiner au bord de la mer retrouveront peut-être le goût de l’intimité familiale et des histoires au coin de feu ? Et l’utilité d’un bon vieux lit-clos ? Du retour aux sources en somme !
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