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Trésor Gourmand dans le Loir

Samedi 23 mars 2019 à 07h

Cette semaine, trois petits Vendômois de 5 ans 1/2, 4 ans et 2 ans 1/2 font parvenir à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, la photographie d’un trésor découvert… dans le Loir !



C’est une expédition pas comme les autres que ces trois frères ont monté avec leur papa samedi dernier. À la faveur des mortes eaux d’un bras du Loir, les voilà cheminant, chaussés de bottes, sur le lit de notre rivière habituellement recouvert par près d’un mètre d’eau ! Ce sont les habitants du cours d’eau qui font d’abord leur joie : moules d’eau douce, coques asiatiques, paludines et… écrevisses ! Leur intérêt se porte ensuite sur l’environnement dans lequel ils évoluent. Environnement qui n’est pas uniquement constitué de pierres, vase, ou débris végétaux. On y trouve également de la vaisselle brisée, des bouteilles de verre, des débris de ferraille et nombre de déchets divers et variés. Ici une marmite, là des coquilles d’huître, des petites voitures d’enfants, plus loin une louche, des boîtes de sardines et même des ossements d’animaux ! Un rapide coup d’œil permet de déterminer l’âge avancé des tous ces déchets. Ils ont rejoints le Loir il y a au moins 70 ans. À cette époque, nos aïeux n’avaient pas la même vision de l’écologie que nous, mais pas non plus les mêmes déchets ! Tout ce qui n’était pas récupéré par les chiffonniers et autres biffins était brûlé, enterré, ou jeté à l’eau.

Face à cette brocante à ciel ouvert, il faut peu de temps à ces petites têtes blondes pour se dire que parmi tous ces débris plus ou moins dignes d’intérêt, se cache probablement un authentique trésor ! Les yeux rivés sur le sol, ce petit monde se met bientôt à l’affût, retournant, grattant, fouillant, fouinant, furetant tout son soûl. Ils sauront ce qu’ils cherchent lorsqu’ils l’auront trouvé. La petite troupe est bientôt rejointe par des riverains tout aussi curieux. Un revolver ! En plastique… ! Un verre à cognac en parfait état, des tomettes anciennes. Bon, mais toujours rien de bien excitant ! Jusqu’à ce que sorte de l’eau une plaque métallique assez lourde couverte de vase. Evacuée d’un revers de main, elle découvre bientôt un fond émaillé bleu roi sur lequel apparaît cette inscription : « Chocolat Menier ». Hourra ! Le voilà le trésor !

D’une longueur de 42 cm pour 24 cm de hauteur, il s’agit d’une plaque émaillée clouée à l’origine sur la devanture d’une épicerie vendômoise. Il fallait bien vendre les 16 000 tonnes de chocolat qui sortaient de l’usine de Noisiel, en Seine-et-Marne, au début du XXe siècle ! Les Loir-et-Chériens regretteront qu’il ne s’agisse pas d’une plaque Poulain, la chocolaterie historique de Blois. Mais rappelons l’attache de la famille Menier pour notre région qui est propriétaire du château de Chenonceau depuis 1913.

Nées au début du XXe siècle, ces supports publicitaires ou panneaux d’indications d’une infinie variété de formes, de tailles et de couleurs sont fabriqués jusque dans les années 1960. Solides, résistantes aux UV, aux intempéries, au chaud comme au froid et ne nécessitant aucun entretient, elles sont le nec plus ultra de l’affichage, en intérieur comme en extérieur. On les obtient en recouvrant une feuille de tôle d’une matière fondante qui se vitrifie à la cuisson : l’émail.

Cette technique est connue depuis 3 000 ans. Elle a fait les grandes heures de Limoges au Moyen-Âge, et que dire des bijoux Art Nouveau émaillés par René Lalique ? Les plaques dont il est question aujourd’hui ne sont pas des objets d’art à proprement parler. Elles ne sont pas le fruit de techniques complexes misent en œuvre par des artisans de génie. Mais leur charme, leur délicieux côté « rétro » teinté de nostalgie font qu’elles récoltent aujourd’hui les suffrages de nombres de collectionneurs. Si bien que certaines atteignent des prix fous ! À Nantes en 2005 une grande plaque pour le chocolat Menier en parfait état s’est vendue au enchères pour 35 000 € ! Pas d’affolement ! La plaque de nos petits Vendômois, probablement immergée dans le Loir depuis 80 ans, est en bien mauvais état. Fabriquée par la maison Japy Frères, elle présente manques, accidents à l’émail et rouille. Elle ne peut être estimée plus de 20 €, mais 10 fois plus si elle avait été en parfait état. Mais quelle trouvaille ! Quelle âme ! Que de bons souvenirs !
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