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Parfums d’histoire

Lundi 08 avril 2019

par Michèle-Cécile Gillard

Sept plaques de marques de la faïencerie de Gien - n°356
Alors qu’en 2021, la Faïencerie de Gien fêtera ses deux siècles d’existence, cette manufacture, qui connut bien des vicissitudes mais aussi des heures de gloire couronnées lors des grandes expositions universelles de 1855, 1867, 1878, 1889 et 1900, résiste et s’adapte en continuant à faire appel à des artistes talentueux qui leur permettent de sortir de nouvelles gammes de produits qui séduisent les jeunes générations.

Dans un monde secoué par de multiples bouleversements numériques, technologiques et sociétaux, elle peut se flatter d’avoir vu le jour sous Louis XVIII et d’être toujours en activité en 2019, alors que nombre de ses homologues (Creil, Choisy, etc.) ont depuis longtemps fermés leurs portes.
Tout au long de son existence, la manufacture fit preuve de créativité, d’adaptation talentueuse voire de magicienne des décors en excellent avec brio, en réinterprétant les décors dont elle s’inspirait pour les faire siens de manière originale et parfois atypique (décors italiens, orientaux, français régionaux et européens…).
Mais Gien, c’est surtout une histoire « d’hommes » car de sa création par Thomas Hulm à nos jours, seuls des hommes en assurèrent sa direction.
En effet, en 1821, un anglais Thomas Hulm dit « HALL » prend conscience que la taxe, instaurée par le traité de commerce de Vergennes en 1786, frappe nos faïences à l’exportation vers l’Angleterre, et par la même permet aux productions anglaises d’inonder notre marché.

Thomas Hulm abandonne sa fabrique de Montereau pour créer sa propre manufacture en s’installant à Gien dans l’ancien couvent des minimes fondé en 1490 par Anne de Beaujeu.
Il s’avère que Gien possède les atouts indispensables pour cette implantation : centre commercial important, présence des canaux, de la marine de Loire, des grandes étendues boisées et enfin des cailloux siliceux du fleuve nécessaires à la fabrication.

Hall s’associe donc à son beau-frère Guyon pour réaliser cette installation et faire face à d’inévitables difficultés techniques et financières. Au fil du temps, plusieurs dirigeants lui succédèrent.
Un tracé succinct de l’évolution de cette entreprise s’impose :
• débuts avec la pâte calcaire dite « terre de pipe » et décors par impression sur pièces utilitaires de vaisselle,
• naissance de la faïence fine dure et résistante recouverte d’un émail brillant,
• création entre 1856 et 1900 de décors s’inspirant soit des faïenceries françaises des 17ème et 18ème siècles, soit étrangères, soit orientales et extrêmes orientales sans oublier l’exécution de blasons et de monogrammes pour en arriver de 1878 à 1900 aux merveilleuses et suaves barbotines à l’instar de celles de Montigny et enfin au style Art Nouveau,

Comme en peinture, ces décors mettent en lumière un savoir-faire incomparable ainsi que de nombreux artistes talentueux parmi lesquels on retiendra : Ulysse Bertrand, Jean Cachier, Clair Guyot, Gauffre, Jehanne Gondouin, Dominique Grenet, Paul Jussselin, Félix Lafond, Marois, Adrien Thibaut sans oublier des décorateurs tels Benoist, Blay, Charles Brim, Blu, Duval, Gautier, Jamet, Kilbert, Lebeau, Vivarès et bien d’autres.

Il faut ajouter que dans le domaine des formes, Gien procure un éventail spectaculaire de l’utilitaire au décoratif, on peut tout trouver : services en tous genres, bougeoirs, cache-pots, vases-lampes, potiches, pendules, tableaux, bénitiers, etc.

En conclusion, cette fabrique est une véritable caverne d’Ali Baba pour les collectionneurs qui peuvent s’aventurer dans plusieurs types de collections : les formes, les décors, les deux cumulés, les marques puisque chaque pièce est estampillée d’un cachet ayant évolué de 1821 à nos jours qui permet une identification indéfectible et une datation précise.

Grâce au musée d’Orsay et au Petit Palais qui mirent en lumière les diverses collections du 19ème siècle longtemps occultées par le public, celles-ci sont maintenant hissées dans le monde des antiquités et Gien en est un témoignage honorable. On ajoutera qu’acquérir une pièce provenant d’une collection privée, telle celle réunie ici avec minutie, opiniâtreté et volonté d’excellence demeure un atout supplémentaire puisque, pour reprendre les termes de George Sand : « les sujets ne sont à personne… », ainsi la transmission est assurée avec bonheur !

Marie-Cécile Gillard
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