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Et un café-croissant, un !

Samedi 01 décembre 2018 à 07h

Cette semaine, Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Lina et Jean-Pierre, de La Tranche-sur-Mer qui souhaite connaître la valeur de moulins à café.



Le 14 juillet 1683, une armée considérable constituée de 200 000 hommes apparaît à l’horizon. Ce sont les Turcs du sultan Mehmet IV commandés par son grand vizir Kara Moustafa. Ils sont là pour assiéger Vienne. Le 12 septembre, après deux mois d’un siège impitoyable, 65 000 soldats venus délivrer la ville déboulent sur les Ottomans. Courage, fuyons ! Les Turcs détalent dans une indescriptible pagaille, abandonnant canons et vivres. Tandis que l’Empereur Léopold Ier fait une entrée triomphale dans Vienne, le grand vizir est décapité à Istanbul…

Parmi les affaires laissées sur place par les envahisseurs, les Autrichiens découvrent 500 sacs de café. Cette fève torréfiée est connue en Occident mais pas consommée. Les Viennois seront ainsi les premiers Européens à pouvoir s’en délecter. Mais il manque comme quelque chose… Les boulangers de la ville, qui s’enorgueillissent d’avoir évité une attaque nocturne durant le siège, décident de fêter la victoire à leur manière : ils confectionnent une brioche qui adopte la forme d’un croissant, symbole de l’Islam et des Turcs. Le premier café-croissant est né ! Et c’est Marie-Antoinette, princesse autrichienne, qui, après son mariage avec le futur Louis XVI, apporte le croissant à la Cour de France.

Pour consommer le café, il faut moudre les grains puis infuser la poudre dans de l’eau chaude. Mais toutes les moutures ne se valent pas ! Et à la fin du XVIIe siècle, époque à laquelle le café se diffuse peu-à-peu en France, les bons moulins ne se trouvent que chez les Turcs ! Qu’à cela ne tienne, le génie français s’en occupe ! Au XVIIIe siècle, les premiers moulins avec un tiroir en partie basse apparaissent, pour le plus grand bonheur des amateurs ! Car à cette époque (et jusqu’à un passé récent), le café est vendu sous forme de grains. À chacun ensuite de le réduire en poudre comme bon lui semble ! Sous le règne de Louis-Philippe, les frères Peugeot se lancent dans la fabrication - non, pas d’automobiles ! - mais de moulins de café ! À la fin du XIXe siècle, c’est une véritable industrie qui s’est mise en place : en 1889, 350 000 moulins sortent des usines Peugeot ! Encore fabriqués de nos jours, ils restent parmi les meilleurs du marché.

Des trois moulins à café de nos lecteurs, deux sont des Peugeot. De facture assez courante, en bois et métal, ils ne présentent pas de particularité remarquable et ne sont pas très anciens, probablement du milieu du siècle dernier. Nous l’avons vu, la firme Peugeot produisait de façon industrielle à des centaines de milliers d’exemplaires. Voilà qui exclut tout caractère de rareté pour ces objets. Ainsi, un molafabophile, (un collectionneur de moulins à café) ne déboursera pas plus de 5 à 10 € pour chacun de ces moulins. Il est un qui a revanche cassé sa tirelire en vente aux enchères en 2010 afin d’acquérir un moulin d’époque Louis XV réalisé par un célèbre ébéniste de la vallée du Rhône pour… 27 000 € ! Ça fait cher le p’tit noir !
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