De Sottsass à Bacon
Vendredi 02 novembre 2018
La Gazette Drouot, Caroline Legrand
Ettore Sottsass (1917-2007), bibliothèque, base haute en placage de loupe de cèdre, aluminium anodisé, placage de frêne teinté jaune, frêne japonais, 280 x 174 x 50 cm. Estimation : 40 000/60 000 €
Les arts graphiques ne seront pas en reste, comme le prouvera ce dessin à l’encre de Chine signé Alexander Calder (1898-1976), daté 1968 et dédicacé «à Jean et Colette Berruet, amicalement» (74 x 109 cm). Il aborde l’un des thèmes fétiches de l’artiste américain, le cirque. À Paris, à la fin des années 1920, il créa un véritable cirque miniature, composé de figurines en fer, et organisait des représentations pour ses amis, durant lesquelles ses mobiles prenaient vie.
30 000/50 000 € seront à envisager pour emporter ce bronze (h. 76,5 cm), à patine médaille, signé Alfred-Auguste Janniot (1889-1969) et portant la marque «A. Rudier Fondeur Paris». Fondu dans les années 1930, ce Torse de Cécile est issu d’un modèle créé vers 1927-1929 et provient de la collection Paul Gellos, dirigeant de la Sagem. Cécile Garny fut l’épouse de l’artiste et son modèle favori dans les années 1920. Elle lui inspira quelques-unes de ses plus belles œuvres, comme le groupe des Trois Grâces.
Si les peintures de Francis Bacon (1909-1992) atteignent désormais des sommets aux enchères, ses lithographies sont encore accessibles, à l’image de celle-ci, contresignée et numérotée 63/180, proposée à 8 000/10 000 €. Elle représente l’un de ses célèbres Autoportraits : celui de 1977. L’artiste aborde ce thème à partir de la fin des années 1960. Bien que détestant son visage, il se plie à cet exercice qui intéressa aussi bien Rembrandt que Van Gogh. Les traits déformés et tuméfiés expriment la souffrance de l’artiste durant sa jeunesse, et ses relations douloureuses avec son père, qui le rejetait en raison de son homosexualité.
Le duo Élisabeth Garouste (née en 1949) et Mattia Bonetti (né en 1953) sera présent au travers d’une dizaine d’œuvres dont ce rare cabinet de 1986, reposant sur un piétement quadripode en fer forgé et à deux vantaux animés de plaques de céramique grise et blanche, ornés de pointes hérissées métalliques (148 x 53 x 32 cm). Édité par la galerie Néotu, il provient d’une collection tourangelle. Prévoir 15 000/20 000 € pour ce meuble typique des créations de ces designers, alliant avec originalité des références antiques éclectiques à des matériaux raffinés.
Cette semaine en région
Sélection du 3 au 11 novembre. Piquants. Les arts du XXe siècle et le design investiront le centre Olivier Debré de ToursTout est affaire de rencontres, dit-on. La vente organisée le dimanche 11 novembre par l’étude Rouillac au Centre de création contemporaine Olivier-Debré en sera la preuve. Artistes et collectionneurs fidèles à ce lieu seront présents, à l’image de Philippe Méaille, qui a exposé au MACBA de Barcelone sa collection «Art and Language», et proposera à la vente ses huit œuvres d’Ettore Sottsass (1917-2007), créées à l’origine pour la maison du galeriste hollandais Ernest Mourmans.
Au lendemain de la vente chez Artcurial, à Paris, le 23 octobre, de soixante-huit lots du designer italien pour un total de 1,27 M€, on imagine que la bibliothèque en placage de loupe de cèdre et plaques d’aluminium bleu, prisée 40 000/60 000 €, et le vase- sculpture en marbre noir et verre de Murano de 1995 (25 000/30 000 €) devraient être âprement bataillés. À côté d’une belle sélection de créations de Garouste et Bonetti, dont un cabinet aux vantaux animés de plaques de céramique grise et blanche et de pointes hérissées métalliques, nous retiendrons encore les œuvres contemporaines ayant appartenu à la collectionneuse mexicaine Patricia Keever, soit près d’une trentaine de photographies ou peintures provenant de son appartement boulevard des Invalides, à Paris. 8 000/12 000 € seront à envisager pour une photo d’AES+F, Last Riot 2 : The Tank & Waterfall de 2006.
DE SOTTSASS À BACON
Pour la deuxième année consécutive, l’étude Rouillac investit le Centre de création contemporaine Olivier-Debré, à Tours. Le thème annoncé, «arts + design», recouvre les grands noms des XXe et XXIe siècles, du côté des artistes, ébénistes, peintres, sculpteurs ou décorateurs, comme de celui des collectionneurs. Un duo s’imposera ainsi à nous durant cette vente : celui formé par Ernest Mourmans et Ettore Sottsass. C’est en 1994 que les deux hommes se rencontrent. Le galeriste et architecte néerlandais est alors l’un des rares à s’intéresser au design. Ce coup de foudre artistique aboutit à de nombreuses années de collaboration, Mourmans produisant Sottsass tout en le collectionnant. Il propose par ailleurs à l’artiste de décorer et de meubler sa maison en Belgique, près de la ville néerlandaise de Maastricht. De cette collaboration naît un ensemble mobilier unique dans lequel l’Italien laisse vagabonder à l’envi son imagination et sa créativité, mais aussi son goût pour les cou- leurs et les matériaux, cette variété et cette gaîté qui font de lui un décorateur des plus convoités aujourd’hui. On passera ainsi d’un vase-sculp- ture de 1995, au socle cubique en marbre noir surmonté de six vases tubulaires en verre de Murano rouge, bleu et noir (25 000/30 000 €), à un cabinet Stéréo, constitué de deux colonnes de section carrée en pla- cage de jacaranda, réunies par trois étagères en hêtre laqué vert (40 000/60 000 €)... sans oublier une table rectangulaire en marbre «brèche de Baerne», reposant sur cinq pilastres en acier et bois laqué noir (50 000/80 000 €). Huit créations uniques qui passèrent ensuite dans la collection Philippe Méaille –et furent notamment exposées au MACBA, à Barcelone, –avant que ce dernier ne choisisse le centre Oli- vier-Debré pour disperser cet ensemble de l’architecte et designer. Emblématique du groupe Memphis dans les années 1980 et 1990, ce véritable touche-à-tout, cet esprit libre qui refusait le qualificatif d’«artiste», a su créer un style unique alliant précision technique et originalité esthétique.DIMANCHE 11 NOVEMBRE, TOURS. ROUILLAC OVV.