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Jean Pascaud

Vendredi 19 octobre 2018

À la Villa Tiffonet



Lots 100 à 117 de la vente du 11 novembre 2018


En 1948, l’industriel André Tiffonet, patron de la manufacture de porcelaines de Châtres-sur-Cher (près de Vierzon, en Berry qui reçut une médaille d’or à l’exposition internationale de Paris en 1937) confie à la maison Jean Pascaud, décorateur et ensemblier, l’aménagement de sa grande demeure située non loin de la manufacture.
Il nous est donné d’admirer, à travers les croquis, échanges tapuscrits et factures qui nous sont parvenus, la façon de travailler du plus prestigieux représentant du goût français des années 1930-1950. Articulation des volumes, menuiserie, fer forgé, tissus, revêtement des sols et bien sûr mobilier, aucun domaine n’échappe à Jean Pascaud. En 1937, il satisfaisait les demandes du ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts Jean Zay, pour son cabinet au ministère.
Dix ans plus tard, c’est Madame Tiffonet qui lui expose ses désirs. Ils correspondent à un art de vivre aujourd’hui disparu. Dans le but de les satisfaire, la maison Pascaud fait parfois appel à d’autres prestataires tels l’antiquaire-décorateur Brantôme pour les meubles anciens ou de style, mais aussi au célèbre Gilbert Poillerat pour des appliques.

Jean Pascaud (1903-1996), ingénieur des arts et manufactures, met son talent au service des arts appliqués durant la période Art Déco, sa préférence allant au mobilier. Ses meubles aux proportions parfaites, classiques et sobres mais chaleureux, s’inscrivent dans la veine de ce style. De grande qualité, ils sont faits de matériaux luxueux ou de bois indigènes comme le sycomore ou le noyer. Il s’applique à faire ressortir les veinures de ces derniers, leur donnant ainsi des lettres de noblesse. Aucune fioriture dans la décoration, seules quelques incrustations de laiton viennent parfois agrémenter une façade, comme nous pouvons l’observer sur notre meuble bar.

La suite « Dieppe » qu’il livre pour le paquebot Normandie en 1934 est représentative de son travail. Le grand prix de l'exposition internationale de Paris lui est attribué en 1937. Dans la foulée, il remporte l’appel d’offre pour l’aménagement du cabinet de travail de Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts, à l’hôtel de Rochechouart.

Cette réalisation résume assez bien la philosophie de Pascaud, adaptée à sa clientèle fortunée, ainsi que la présente Raymond Coignat : il « adapte le meuble à sa destination, respectant les exigences de la vie moderne tout en recherchant une élégance de formes, une préciosité de matières qui permettent à ces meubles d’être mis à côté des plus belles réalisations anciennes, sans que la comparaison puisse leur être défavorable »1. Il poursuit : « chaque meuble est une pièce unique, conçue pour une destination particulière, souvent même pour un emplacement bien déterminé, en accord avec les dimensions de la pièce, son architecture et son décor »2. En lisant ces lignes, impossible de ne pas songer au mobilier « d’une rigueur volontaire, de formes assez massives mais logiquement équilibrés »3 de la villa Tiffonet.

Nul ne peut rester insensible à l’aura que dégagent ces meubles et à l’atmosphère crée par Jean Pascaud. Jean Zay, alors prisonnier à Riom en 1941 écrit : « Les meubles dont j’ai disposé jusqu’à présent, dans mes successives cellules, ont été assez rares pour me permettre de découvrir peu à peu leur importance. J’ai su qu’une table, une chaise et un lit suffisaient pour vivre, mais j’ai appris en même temps ce que contenaient d’agrément un fauteuil, une commode, un placard. Les meubles sont des amis méconnus […] Nous ne déchiffrons pas leurs visages familiers, changeants et multiples, modifiés à chaque instant par l’éclairage ou notre humeur. Il me semble que je saurai désormais rendre justice à ces serviteurs muets ». Assassiné en 1944, il ne reverra jamais son cabinet de travail. Une reconstitution partielle est aujourd’hui visible.
Sont aujourd’hui présentés aux enchères les reliques de cette villa que l’on peut considérer comme un exemple d’art total, de la poignée de porte au bar, vitrine du savoir-faire et de l’excellence français du milieu du XXe siècle.

Karl BENZ

1 - COGNIAT, Raymond. « Jean Pascaud ». Art et décoration, 1935, p. 122.
2 - Ibid.
3 - PASCAUD, Jean. Mobilier et Décoration, mai 1954.

Jean PASCAUD (Rouen, 1903 - 1996)
Suite de QUATRE FAUTEUILS à dossiers légèrement renversés

en noyer teinté à la façon de l'acajou. Accotoirs à enroulements sur une console en retrait. Ils reposent sur quatre pieds sabre, les antérieurs agrémentés de sabots de bronze.

Haut. 89, Larg. 54,5, Prof. 55,5 cm (deux fauteuils restaurés et retapissés).

Provenance : villa Tiffonet à Châtres-sur-Cher ; acquis auprès de la Galerie Jean Pascaud, 14 septembre 1949, sous la description "4 fauteuils en noyer Frs 92.000" ; par descendance.


Jean PASCAUD (Rouen, 1903 - 1996)
TABLE de SALLE-À-MANGER de forme ronde formant TABLE BASSE

en placage de noyer. Le plateau à marqueterie rayonnante s'élève et s'abaisse dans un fût central reposant sur une base circulaire ceinte d'une lingotière en bronze.

Haut. max. 74, Haut. min. 49,5 Diam. 121 cm. (usures).

Provenance : salle-à-manger de la villa Tiffonet à Châtres-sur-Cher ; acquise auprès de la Galerie Jean Pascaud SA, 22 juillet 1948, sous la description "1 Table en noyer Frs 361.000" ; par descendance.


Jean PASCAUD (Rouen, 1903 - 1996)
MEUBLE BAR de forme rectangulaire

en placage de noyer. La façade à décor de six caissons marquetés et encadrés d'un filet de laiton sur trois rangs. Elle ouvre en partie haute par un abattant découvrant un compartiment foncé de miroirs et en partie basse par deux vantaux découvrant un intérieur plaqué de sycomore muni d'étagères. Il repose sur quatre pieds, les antérieurs à enroulement agrémentés d'un sabot de bronze.
Cachet au feu : "GROUPE / DES / EBENISTES / D'ART / 17 / CHAMBRE SYNDle DE L'AMEUBLEMENT / PARIS".

Haut. 152,5, Larg. 117, Prof. 49 cm.

Provenance : salon de la villa Tiffonet à Châtres-sur-Cher ; acquis auprès de la Galerie Jean Pascaud SA datée du 14 septembre 1949 sous la description "I meuble bar en noyer Frs 248.000" ; par descendance.
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