Le Daim de Bugatti
Jeudi 12 avril 2018
Fonte numéro 1 de trois par Hébrard, alors que l’artiste n'a que 21 ans
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Numéro 51 de la vente
Rembrandt BUGATTI (Milan, 1884 - Paris, 1916)
Le Daim passant
Modèle créé vers 1905, épreuve en bronze à patine brune, n°1.Fonte à la cire perdue d'Adrien Aurélien Hébrard.
Signé " R.Bugatti " sur la terrasse.
Cachet du fondeur " Cire perdue A.A Hebrard ".
Numéroté 1 sur la terrasse ; Tirage répertorié de trois exemplaires.
Haut. 32, Long. 35, Larg. 11,4 cm
(bois droit refixé)
Provenance : Collection particulière parisienne
Rembrandt BUGATTI. The Fallow Deer. Brown patinated bronze numbered 1. Signed " R.Bugatti ". Founder's stamp. Lost wax casting limited to three specimens.
Littérature en rapport :
- Louis Vauxcelles, " La Fonte à Cire perdue ", Art et Décoration, vol.18, juillet-décembre 1910, pp.189-197 ;
- Mary Harvey, The bronzes of Rembrandt Bugatti (1885-1916), an illustrated catalogue and biography, Pakaquin Publishing, Ltd, 1979, N°69, p.57;
- Chalom des Cordes, Jacques et Véronique Fromanger, Rembrandt Bugatti, catalogue raisonné, Paris, Les Editions de l'Amateur, 1987, p. 134.
- Rembrandt Bugatti, An Exhibition of Sculpture, 1st-30th november 1988, The Sladmore Gallery, catalogue n° 4, pp. 33-34;
- Edward Horswell, Rembrandt Bugatti, life in sculpture, Sladmore Gallery, 2004, p.25, pp.32-33 ;
- Véronique Fromanger, Une trajectoire foudroyante, Rembrandt Bugatti, sculpteur, répertoire monographique, les éditions de l'Amateur, modèle répertorié sous le n°86 Daim passant (C.R.1987 et R.M 2010), Les éditions de l'Amateur, Paris, réédition de 2016, 2009, p.284 et pp.121 -124.
Présentation sur TV Tours Val de Loire
émisison TiLT animée par JCK
Le Daim passant de Rembrandt Bugatti
Présentation avec le cabinet Sculpture et collectionsCe Daim passant en bronze à patine brune, le port altier et la démarche légère, est une œuvre rare du jeune sculpteur Rembrandt Bugatti. Son tirage est répertorié à ce jour à trois épreuves, toutes réalisées à la cire perdue par le célèbre fondeur, marchand d’art et collectionneur, Adrien Aurélien Hébrard (1).
Cette sculpture à la fonte et à la patine exceptionnelles s’intègre dans un corpus particulièrement riche et varié témoignant de la prédilection du sculpteur animalier pour cette espèce. Alors que ses parents s’installent à Paris en 1903, Bugatti profite de la proximité entre son logement et la ménagerie du Jardin des Plantes pour modeler à la plastiline (pâte à modeler contenant du soufre) ses nombreux occupants ; parmi ces sujets favoris, les cervidés, daims, cerfs d’Asie et d’Amérique. Dès 1904, année durant laquelle Hébrard, conscient du talent du jeune artiste, lui propose un contrat d’exclusivité pour l’édition de son Œuvre, Bugatti présente des groupes de cerfs aux postures alertes et aux pelages frémissants. À l’exposition du Salon de la Société nationale des beaux-arts, il expose notamment le plâtre Groupe de cerfs blancs (n°84 du CR) et lors sa première exposition monographique tenue à la Galerie A.-A. Hébrard, Cerf bramant suivi par une biche et son faon (2). Il réitère encore en 1905 au Salon d’automne avec ses Petits cerfs chinois, les uns derrière les autres (3). En 1906, le journaliste Thiebault Sisson désigne dans un article son groupe de Daims l’un derrière l’autre (4) (parmi d’autres œuvres) comme « Des abréviations d’une facture qui cherche à rendre avant tout le caractère, l’effet de lumière et le mouvement » (5).
Le comportement de ces animaux sauvages dont le tempérament craintif n’a d’égal que celui des chevaux, (que Bugatti étudie tout aussi étroitement durant les années 1903-1908), fait harmonieusement écho à la méthode de travail rigoureuse de l’artiste solitaire, autodidacte et perfectionniste. Dans l’observation comme dans le modelage, l’artiste ne se donne droit à aucune erreur ; après un examen minutieux de ses sujets, il modèle à main libre, sans instruments ni esquisse préparatoire. Si l’animal bouge ou si son travail ne le satisfait pas, Bugatti détruit et recommence. Cette méthode lui permet d’apprécier au plus juste et au plus simple les attitudes des animaux. Les nombreux modèles en plâtre de cervidés conservés au Musée d’Orsay manifestent cette synthèse parfaite des volumes et ce rendu sensible de l’épiderme auxquels aboutit une telle rigueur.
Bien que le modèle ne soit pas daté dans le dernier répertoire monographique de la spécialiste de l’artiste, Véronique Fromanger (6), on reconnait, dans l’attitude légère et bondissante de la bête, rendue par le dessin tendu et en lévitation de la patte arrière, une position anatomique chère à Bugatti. Il utilise le même procédé pour divers sujets dans les années 1904/1905 : pour le Jeune cerf courant daté de 1904 présenté à l’exposition de la Sladmore Gallery en 1988 (7), le Cerf en marche (8) ou le premier daim du Groupe de deux daims cornus (9) (plâtre conservé au musée d’Orsay, n°3542) présentés en bronze au Salon d’automne en 1906.
Si le modèle original en plâtre de notre bronze n’est malheureusement pas localisé, la formidable maîtrise d’Hébrard et de son chef d’atelier Palazzolo rend ici parfaitement la technique nerveuse et schématique de Bugatti. Toutes les nuances sont inscrites dans la cire, chaque détail est rendu avec une telle vérité que seule une étroite compréhension fusionnelle entre l’artiste et son fondeur a rendu possible.
Au-delà de l’excellence des fontes d’Hébrard (10), c’est sa politique rigoureuse et visionnaire d’encadrement stricte du nombre d’exemplaires de chaque modèle de Bugatti qui fit de cette collaboration un exemple de perfection technique et artistique rarement égalé.
Notes
1- Véronique Fromanger, Une trajectoire foudroyante, Rembrandt Bugatti, sculpteur, répertoire monographique, les éditions de l’Amateur, modèle répertorié sous le n°86 Daim passant (C.R.1987 et R.M 2010), Les éditions de l’Amateur, Paris, réédition de 2016, 2009, p.284.
2- N°87 RM Fromanger, Op cit.,. p.284.
3- N°98 RM Fromanger, Op cit., p.287.
4- N°85 RM Fromanger, Op Cit., p. 283.
5- Dossier de l’artiste « Bugatti », documentation du Musée d’Orsay.
6- Véronique Fromanger, Une trajectoire foudroyante, Rembrandt Bugatti, sculpteur, répertoire monographique, les éditions de l’Amateur, modèle répertorié sous le n°86 Daim passant (C.R.1987 et R.M 2010), p.284
7- Rembrandt Bugatti, An Exhibition of Sculpture, 1st-30th november 1988, The Sladmore Gallery, catalogue n° 4, pp. 33-34 et N°88 RM Fromanger, Op cit. p.284.
8- N°93 RM Fromanger, Op cit. 286.
9- N°85 RM Fromanger, Op cit, p. 283.
10- Louis Vauxcelles, « La Fonte à Cire perdue », Art et Décoration, vol.18, juillet-décembre 1910, pp.189-197.