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Mille Sabords ! La Licorne !

Samedi 07 octobre 2017 à 07h

Cette semaine, Catherine et Gonzague, nous écrivent de Toulon ! Ils s’interrogent sur l’histoire d’un tableau figurant un fier vaisseau de ligne. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, leur répond.



Cette huile sur toile de belles dimensions (90 x 72 cm) figure un navire de guerre vu de la poupe (de l’arrière). Il cigle tribord amures comme disent les marins. C’est-à-dire qu’il fait route en recevant le vent par la droite. En effet, les voiles accrochées à ses trois mâts sont bien gonflées et l’imposant pavillon blanc de la Marine royale claque au vent. Il entre dans un ban de brume qui nous empêche de voir distinctement un autre vaisseau représenté en arrière-plan. La mer n’est pas grosse mais de bonnes vagues viennent chahuter les membres de l’équipage. Le luxe des ornements de bois sculpté, doré et peint de la poupe est rendu avec une grande finesse. Les transparences de l’eau sont aussi remarquables. Il ne s’agit pourtant pas d’une marine hollandaise du XVIIe siècle. La couche picturale n’est pas lisse, bien au contraire. Elle montre des empâtements, des reliefs. En effet la peinture a, en certains endroits, été apposée à la brosse, voire au couteau, en touches franches. Cette technique requiert un savoir-faire, une main assurée. Cette main est celle d’Henri Miloch.

Il naît à Trieste, en Italie, en 1898. Amoureux de voile, il construit son premier bateau à 14 ans ! C’est probablement cette inclinaison qui le pousse à intégrer l’école aéronavale de Gênes. Son diplôme d’ingénieur en poche, il quitte l’Italie pour entrer… aux Beaux-Arts de Paris ! La peinture, voici la passion viscérale qui va déterminer sa vie. Elle le mène en Bretagne, à Concarneau, où des artistes du monde entier y séjournent entre 1870 et 1950. Ils y trouvent tout ce dont un peintre rêve : une ville médiévale en partie fortifiée par Vauban disposant d’un patrimoine remarquable animée de marins et de paysans vêtus de ce costume chamarrés typique du Pays Bigouden ; mais aussi –et surtout- d’une superbe flottille de pêche alignant des centaines de fiers thoniers. Aux côtés de peintres aujourd’hui célèbres comme Mathurin Meheut ou Fernand Le Gout-Gérard gravitent de petits maîtres comme Henri Miloch. Il y expose ses œuvres l’été. Elles sont le reflet d’une vie quotidienne simple et tranquille mais manquent souvent d’envergure.
En revanche, dans les années 1940, il s’attaque à un nouveau thème : les grands vaisseaux de la marine de guerre du roi Louis XIV. Ses connaissances pointues de la construction maritime lui donnent un avantage certain pour faire revivre ces géants du passé. Il va jusqu’à construire des maquettes pour affiner son savoir. Il s’éteint à Auray en 1979 et nul ne sait s’il a caché quelque message au sein de leurs mâts… Tonnerre de Brest, cela ne vous rappelle rien ?! Impossible en effet de ne pas faire le parallèle avec Le Secret de la Licorne ! Cette célèbre bande dessinée d’Hergé est publiée pour la première fois en 1942. Miloch s’inspire généralement de navires ayant existé. Celui-ci n’est pas nommé, serait-ce La Licorne ?

Cette toile qui semble en bel état est fort bien exécutée et très décorative. Dans l’œuvre de Miloch, c’est ce thème qui est plébiscité par le marché, d’autant plus que les œuvres sont rares. Ainsi, au regard des résultats obtenus en vente publique, nous pouvons l’estimer autour de 1 000 €. Bougre d'amiral de bateau-lavoir ! Voilà qui rivalise presque avec le trésor de Rackham le Rouge !

Amis tintinophiles, voici une belle occasion pour vous inviter à la conférence « Le Professeur Tournesol – l’Eurêka chez Tintin » qui se tiendra à 16h15 au Conseil Départemental de Blois, dans le cadre des 20e Rendez-vous de l’Histoire.
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