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UNE VALSE POUR 1 463 200 €

Vendredi 16 juin 2017

La Gazette Drouot, Philippe Dufour

Chaque grand artiste connaît un parcours plus ou moins semé d’obstacles. Celui de Camille Claudel fut particulièrement ardu, à l’ombre d’Auguste Rodin, et au final obscurci par la folie. Ce n’est que depuis trente ans qu’on a reconnu cette artiste de génie, longtemps oubliée, à sa juste valeur, ce que confirme chacune de ses œuvres livrées aux feux des enchères. On en avait encore la preuve éclatante ce dimanche 11 juin, au château d’Artigny quand la maison Rouillac OVV présentait une version inédite de La Valse, un bronze à patine brun-noir redécouvert cette année même. L’oeuvre, prise dans une inévitable et internationale rixe d’enchères, fusait à 1 463 200 €, acquise par une collectionneuse française qui la destine à terme au musée Camille-Claudel, à Nogent-sur-Seine, dans l’Aube. Étrangement, ce couple amoureux semblait tourbillonner au son des instruments à cordes que d’autres salles mettaient en vente.
Camille Claudel (1864-1943), La Valse, 1889-1905, épreuve en bronze à patine brun-noir, fonte au sable réalisée du vivant de l’artiste, vers 1900, 46,7 x 25,5 x 16,8 cm. Adjugé : 1 463 200 €

Un chef-d’oeuvre de Camille Claudel comme il en passe rarement en vente… Aussi le résultat de sa vente s’est-il révélé à la hauteur des espérances de ses nombreux admirateurs. Car la Valse due à l’immense talent de l’artiste, longtemps oubliée, était attendue de pied ferme dimanche 11 juin à Montbazon. Pour la somme de 1 463 200 €, c’est finalement Reine-Marie Paris, historienne de l’art, petite-fille de Paul Claudel et spécialiste de l’oeuvre de sa grand-tante, qui l’a emportée dans un tourbillon titanesque d’enchères, l’opposant à cinq enchérisseurs au téléphone, dont certains aux États-Unis. Le rêve ultime de son acquéreur serait de la voir rejoindre le musée consacré à Camille Claudel à Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, depuis le 25 mars dernier, dans la maison où l’artiste vécut de 1876 à 1879. Notre Valse est la deuxième version d’une sculpture commencée dès 1889 sous le nom des Valseurs. Elle a été largement diffusée, en différentes tailles, matières et avec des variantes. En 1892, Camille Claudel en donnait une nouvelle mouture, en retirant le voile qui entourait à l’origine les têtes des danseurs, mais en habillant d’une longue robe fluide la jeune femme qui s’abandonne à son cavalier. Cette seconde version sera fondue par Eugène Blot après 1905 en deux tailles : 23,5 et 46,4 cm. Le bronze adjugé dimanche provient de la collection de Joseph Honoré Allioli (1854-1911), un décorateur parisien ayant collaboré souvent avec Auguste Rodin, et auquel la sculptrice avait adressé un billet (vendu d’ailleurs avec les deux figures enlacées) en vue de l’acquisition de l’oeuvre. Il s’agit d’une épreuve au sable et à la patine brun-noir qui a longtemps orné le salon de son premier propriétaire à Béthisy-Saint-Pierre dans l’Oise, comme en témoigne une photographie ancienne. Par la suite, la Valse, tombée en disgrâce, sommeillera dans un placard où on ne l’a retrouvée que très récemment.

Nous reviendrons sur les résultats de ces deux jours de ventes exceptionnelles à Montbazon dans la Gazette n° 25.

CHÂTEAU D’ARTIGNY (MONTBAZON), DIMANCHE 11 JUIN. ROUILLAC OVV. CABINET SCULPTURE ET COLLECTION.
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