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VENDOME : MATTHIEU RICARD, JUSQU'AU BOUDDHISTE DE LA PHOTO

Mardi 06 septembre 2016

Mag'Centre, Frédéric Sabourin.

Exposées durant les Promenades photographiques de Vendôme jusqu’au 18 septembre, les photos du moine bouddhiste Matthieu Ricard étaient vendues aux enchères le 6 septembre par maître Rouillac père et fils, au profit de son association.

"Karuna Shechem ». Rencontre privilégiée avec un homme touché par la grâce.

Matthieu Ricard et Odile Andrieux, lors de la présentation de son association et des photos pour la vente aux enchères.« Pourquoi je fais des photos ? Pour faire ressortir la beauté de la nature, et la beauté intérieure de l’être humain. Je fais de la photo parce que c’est ma façon favorite de perdre mon temps ». On l’écouterait des heures, Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain depuis plus de 40 ans, et photographe depuis l’âge de 13 ans. « Au début, je photographiais tout et rien, des flaques d’eau… Ma famille disait : ne demandez pas des photos à Matthieu, ça ne sert à rien. Pendant longtemps, pour illustrer mes livres, je mettais mes propres photos. Les gens disaient : qui est-ce qui a pris les photos ? A partir du moment où j’ai fais du noir et blanc, on a commencé à s’intéresser à elles… »

Il ne se sépare quasiment jamais de cette jovialité attentive, celle des hommes calmes – osera-t-on dire zen ? – des hommes qui écoutent beaucoup avant de parler. Des hommes qui savent faire silence, pas seulement dans leur environnement, mais aussi à l’intérieur d’eux-mêmes. Des hommes de paix et de don. Don de soi et don de temps pour des causes humaines très concrètes. En 2015, son association « Karuna Shechem » (littéralement « compassion » et du nom d’un monastère bouddhiste) a aidé 400.000 personnes, en matière de santé, d’éducation, de services sociaux. 620 villages népalais ont ainsi été aidés par Karuna Shechem depuis le terrible tremblement de terre d’avril 2015. Mardi 6 septembre, cet homme aux semelles de vent faisait halte à Vendôme, pour vendre une partie de ses photos par ailleurs exposées depuis juin et jusqu’au 18 septembre dans le cadre des Promenades photographiques. Elles sont tirées du livre Visage de paix, Terre de sérénité édité chez La Martinière.

Des images fugitives, et éternelles

Depuis près de cinquante ans qu’il sillonne cette région du monde, de l’Himalaya au Népal en passant par le Bhoutan et l’Inde, Matthieu Ricard a connu des débuts difficiles. « J’ai vécu 25 ans en Inde auprès de grands maîtres spirituels. J’avais l’équivalent de 40-50 € par mois. C’est largement suffisant pour s’en sortir là-bas, mais pour aider les autres, ça devient compliqué », explique-t-il. C’est en 1997 que tout bascule, ou tout commence, devrait-on dire. La sortie du Moine et du Philosophe, écrit avec son père Jean-François Revel (qui était aussi journaliste et essayiste) fait un carton en librairie. Il décide alors de reverser l’ensemble de ses droits d’auteur à la Fondation de France, puis à l’association qu’il créé au début de la décennie 2000. On pourrait croire ce moine bouddhiste, interprète français du Dalaï Lama, en lévitation permanente, perdu dans la méditation qu’il pratique assidument lors de  longues plages de solitude dans son ermitage népalais, à 2.500 mètres d’altitude. Ce serait mal le connaître : il a les deux sandales bien ancrées sur terre. « Sans le mécénat, on y arriverait pas. L’association, c’est le mécanisme qui permet d’agir. Ça procède d’une vision plus globale de l’altruisme. La meilleure façon de s’épanouir dans la vie, c’est d’être en harmonie avec la réalité. Nous sommes tous interdépendants les uns des autres », dit-il devant un public sage comme des images, dans le Manège Rochambeau de Vendôme juste avant que les coups de marteau de maître Rouillac adjugent les photos.

Quand il n’en fait pas – ce qui est rare si on regarde bien – Matthieu Ricard parcourt l’Europe et une bonne partie du monde. Du 9 au 11 septembre, il sera à Bruxelles pour assister à une conférence mondiale sur le « Power and care », en présence du Dalaï Lama justement. « Je photographie souvent des visages, ils sont en eux-mêmes un enseignement. C’est ma façon de partager la beauté de la nature et la beauté de l’humain ».

Un jour, il y a longtemps, Henri Cartier-Bresson avait signé un de ses livres de photos qu’il lui présentait (après avoir dédaigné le premier qu’il lui avait montré). « Des images fugitives et éternelles », avait-il écrit. Une leçon de vie, qu’il partage à longueur de temps…

Frédéric Sabourin.

Le résultat de la vente est de 13.010 € pour les 24 photos mises aux enchères sous le marteau d’Aymeric et Philippe Rouillac. Le produit de cette vente sera, comme annoncé, intégralement reversé à l’association Karuna Shechen.
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