13ème VENTE GARDEN PARTY A CHEVERNY
Lot 60
Lucas CRANACH.
(Kronach, 1472 -Weimar, 1553).
Vénus et l'Amour voleur de miel.
Panneau de tilleul, une planche, non parqueté.
Haut. 52,5 Larg. 37 cm.
Monogrammé et daté en haut à gauche 1532.
Vénus et l'Amour voleur de miel, sujet souvent traité par l'artiste, était très populaire au temps de Cranach.
D'abord traité par Albrecht Dürer dans une aquarelle de 1514, le sujet fut ensuite popularisé par une gravure d'illustration de l'Emblemata édité par André Alciat en 1522 (A. Henkel et A. Schöne, Emblemata, Stuttgart, 1967, p. 1758 et s.).
Initialement tirée du chant XIX de l'Idylle de Théocrite (auteur grec du IIIe siècle avant Jésus-Christ), la fable s'enrichit plus tard d'une dimension moralisatrice avec la traduction latine proposée par Philippe Malenchton en 1528 que l'artiste a ici fidèlement retranscrite :
DUM PUER ALVEOLO FUTATUR MELA CUPIDO
FURANTI DIGITUM CUSPIDE FIXIS APIS
SIC ETIAM NOBIS BREVIS ET PERITURA VOLUPTAS
QUAM PETIMUS TRISTI MIXTA DOLORE NOCET.
Alors que Cupidon volait du miel de la ruche
Une abeille piqua le voleur sur le doigt
Et s'il nous arrive aussi de rechercher des plaisirs transitoires et dangereux
La tristesse vient se mêler à eux et nous apporte la douleur.
Ici, l'Amour, poursuivi par les abeilles à qui il est en train de voler du miel, se réfugie auprès de sa mère Vénus, et les vers tirés de la traduction de 1528 nous font comprendre que les plaisirs immédiats des sens sont voués à être la source de terribles douleurs.
Le tableau fut réalisé au moment où Cranach travaille comme peintre officiel à la cour de Jean le Constant, Électeur de Saxe. L'importance de la production de tableaux que l'artiste exécuta au cours de cette période explique la récurrence de thème fixe dont existent de nombreuses variantes. Plusieurs versions de Vénus et l'Amour voleur de miel nous sont aujourd'hui bien connues.
Notre tableau est l'une des plus anciennes et se rapproche d'une des premières versions de l'artiste, datée de 1530 (Copenhague, Statens Museum for Kunst; voir M. J. Friedlander et J. Rosenberg, Les peintures de Lucas Cranach, reproduit fig. 244), représentant, à travers la même organisation de l'espace, la déesse et l'Amour.
Ces œuvres profanes et de petites dimensions s'adressaient essentiellement à une clientèle raffinée et cultivée alors présente à Wittenberg, lieu de résidence principale de Jean le Constant.
Représentant un type féminin bien connu, Vénus est représentée sous un voile transparent, avec, pour unique parure, un collier de pierres précieuses accentuant la sensualité de la déesse. Légèrement déhanchée, elle reprend une attitude déjà utilisée par l'artiste dans des versions de 1530 (Varsovie, Galerie Branitzky, 1932) et 1531 (New York, Richard Ederheimer, 1934, in M. J. Friedlander et J. Rosenberg, Les peintures de Lucas Cranach, reproduit fig. 247 et 248). La pâleur des carnations contraste avec le feuillage stylisé qui s'ouvre sur un paysage montagneux dont le traitement pittoresque découle de la vision singulière et unique de Lucas Cranach.
Avec une autre version très proche (passée en vente chez Christie's Londres, le 27 juin 1969), cette œuvre est un des rares exemples où Vénus néglige totalement les plaintes du petit Amour et adresse son regard directement vers le spectateur comme pour lui rappeler les préceptes moralisateurs liés à la fable.
Provenance : collection particulière du Val de Loire antérieure à 1898. Acquis dans le Quartier latin sur les quais de la Seine à Paris, dans la même famille depuis plus de cent ans.
Certificat de libre circulation à l'étranger.
Adjugé : 2 210 511 €