34th GARDEN PARTY AUCTION -DAY I
Lot 51
Atelier de broderies liturgiques du monastère San Lorenzo d'El Escorial, vers 1580-1586
Le Mariage de la Vierge
en broderie dor nué, fils dor, de soie et dargent. Les carnations, exécutées avec le point bouture obtenu croissant de soies au point satin les brins de filés or, après les avoir « dénudés » de la lame métal. La broderie des cheveux et barbes au point fendu, en suivant la direction des boucles ou des ondulations.
La bordure est ornée de canetille, de brins de bouillon et d'un galon brodé de deux lignes parallèles de cordonnet enserrant une grosse corde faite de quatre brins de filé or, sur lit de brins de sorbec de soie bleue et lame argent.
Espagne, fin du XVIe siècle.
Haut. 28,5 Larg. 19,6 cm.
Scène sans la bordure: Haut. 25,8 Larg. 18,5 cm.
Provenance:
- commande du roi Philippe II dEspagne (1527-1598).
- monastère royal San Lorenzo de El Escorial, probablement jusquau début du XIXe siècle.
- collection Josiane et Daniel Fruman, depuis la fin du XXe siècle.
A late 16th century Spanish embroidered fabric by the royal monastery of El Escorial depicting the wedding of the Blessed Virgin Mary.
Une présentation exhaustive, avec sources bibliographiques et documentation, est disponible sur le site rouillac.com
Installé par Philippe II dEspagne dans le monastère San Lorenzo dEl Escorial quil vient de fonder, latelier des broderies liturgiques de lEscorial réunit entre 1571 et 1598 les plus habiles artistes, brodeurs, artisans et passementiers, notamment des Flandres, dun empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. LEspagne vit son "Siècle dor", dont lEscorial est la principale réalisation. Pesant de tout son poids dans la Contre-Réforme Tridentine, Philippe II met les richesses puisées en Amérique au service du culte catholique, dépensant sans compter pour la plus grande gloire de Dieu. Latelier de broderies liturgiques emploie à lui seul cent-neuf brodeurs et vingt-six passementiers travaillant sans relâche pour un monarque dont lambition était denlever à Atlas le poids du monde pour quil puisse se reposer. Un inventaire de 1605 comptabilise ainsi plus de 1200 chasubles différentes! Ces ateliers ont transformé en fils de soie, dor et dargent les dessins des plus célèbres artistes de leurs temps, dont les feuilles sont conservées à la bibliothèque Royale de Madrid ainsi que dans quelques-uns des plus grands musées du monde. Car avec la conquête napoléonienne, lEscorial est vidé de ses trésors en vue de créer un musée à Madrid, provoquant des disparitions et dispersions mal documentées. Pourtant, hors dEspagne, seule une poignée de broderies issues de ces ateliers légendaires sont conservées: deux dans le trésor de la cathédrale du Puy-en-Velay, deux en Allemagne, au Kunstgewerbemuseum de Berlin et au musée de Krefeld, et une dans une collection privée publiée par de Farcy en 1890 actuellement non localisée. Cest dire la rareté insigne de ce Mariage de la vierge!
Probablement inspirée dune gravure par Israhel van Meckenem (autour de 1445-1503) sur la base dun dessin disparu de Hans Holbein le Vieux (autour de 1460-1524), notre scène reprend également certains détails dune gravure dAdriaen Collaert (1560-1618) daprès Jan van der Straet (1523-1605). Colporté par la Légende dorée, le mariage de la Vierge napparait pas dans les Évangiles. La vierge Marie, auréolée à gauche, est unie par le grand prêtre au centre à saint Joseph à droite, que lon reconnait à son bâton fleuri, dans un décor darchitecture baroque. Cest toutefois le galon de la bordure qui permet de dater avec précision cette broderie. Il reprend en effet les mêmes techniques et dimensions que des bordures parfaitement documentées conservées au monastère de lEscorial, au Puy-en-Velay, au musée de Krefeld et dans la collection publiée par de Farcy.
Cest entre 1584 et 1587 que culminent dans la documentation de lEscorial les « ensembles en or nué ». Toute la surface de luvre est couverte de brins de filés or, lancés et arrêtés seulement aux deux extrémités, croisés deux à deux de soies de différentes nuances pour former le dessin. Dans les endroits sombres, les points de soie se touchent pour recouvrir lor, tandis que les points de soie croisés sont plus ou moins éloignés pour laisser lor apparaitre dans les endroits clairs et lumineux. Un ensemble blanc, commencé en 1580 et terminé six années plus tard, est ainsi signalé comme étant brodé avec « des portraits entiers de vierges ». La spécialiste Maria Barrigón Montañés suggère que cet ensemble était en réalité décoré avec des scènes de la vie de la Vierge et utilisé pour la célébration du jour de Notre Dame. Aucun fragment de cet ornement nétant conservé à El Escorial ou nulle part ailleurs, nous pouvons simplement avancer lhypothèse que notre broderie soit lune des rares reliques de cet ensemble disparu.
Sold: 30 000 €