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La voie de la sagesse

Samedi 04 décembre 2010

Cette semaine, le commissaire-priseur Philippe Rouillac détaille une statue représentant un homme debout. Un saint personnage du bouddhisme.

Cette semaine, le commissaire-priseur Philippe Rouillac détaille une statue représentant un homme debout. Un saint personnage du bouddhisme.

Cette statue représente un homme debout, vêtu d’un pagne laissant le torse découvert. Le tissu forme, en retombant, de nombreux et gracieux plis. Le personnage est également paré d’un large collier et d’un diadème. Sa chevelure longue est coiffée en chignon. Une fleur de lotus stylisée lui sert de piédestal. Sa main droite semble tenir un petit rouleau et sa main gauche esquisse un geste de recueillement. Son attitude apaisée et ses yeux mi-clos invitent à l’introspection et à la prière.

Ces éléments nous invitent à penser qu’il s’agit d’un bodhisattva, c’est-à-dire l’un des saints personnages du Bouddhisme. Très populaire, celui-ci suit la voie du Bouddha pour accéder à l’Éveil, au Nirvana. Ce chemin est difficile et se fait au cours de nombreuses réincarnations. Alors qu’il est proche du but, le boddhisattva choisit pourtant de rester à un stade inférieur, afin d’aider les croyants dans leur cheminement spirituel. Le plus célèbre des bodhisattvas est Avalokitesvara. Son nom signifie en Hindi « Celui qui considère les appels ». Image de la compassion ultime, il entend toute personne qui prononce son nom. Le Dalaï-Lama est d’ailleurs considéré au Tibet comme l’une de ses émanations. Il n’est donc pas surprenant que ses représentations, peintes ou sculptées, se soient multipliées en Asie.

D’après son style, cette œuvre proviendrait plus précisément du Japon. Le Bouddhisme y apparaît au VIème siècle après Jésus-Christ et s’y développe parallèlement au Shintoïsme, religion polythéiste liée aux forces naturelles. Au Japon, Avalokitesvara prend le nom de Kannon. Son allure est princière. Il porte sur le front l’urna, l’un des signes distinctifs des grands hommes et en particulier du Buddha : il consiste en une touffe de poils enroulés entre les sourcils, dont la représentation iconographique se limite ordinairement à une pastille.

La statue est en bronze, un alliage de cuivre et d’étain. Ce métal est utilisé depuis la Préhistoire, car son point de fusion, autour de 1000°C, est moins élevé que celui d’autres métaux. Il se prête bien à la fonte et les détails modelés par le sculpteur sur l’original en terre sont rendus fidèlement. Le bronze ayant naturellement une couleur dorée et brillante, notre statue a reçu ensuite une patine brune, lui donnant cet aspect plus chaud et moins « clinquant ». Cette œuvre a probablement été réalisée à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle. Au Pays du Soleil Levant, cette période correspond à l’Ère Meiji, à partir de 1868, période de changements politiques et d’ouverture à l’Occident. L’Europe découvre, fascinée, une culture nouvelle. Les peintres, tels Van Gogh, s’inspirent de l’Orient. C’est l’époque où Émile Guimet et Henri Cernuschi rassemblent de nombreux objets chinois et japonais. Leurs collections sont à l’origine des musées parisiens qui portent leurs noms respectifs.

Ce bel objet d’art, de 83 cm de hauteur, pourrait trouver preneur en vente aux enchères autour de 600 à 800 €. Parmi les amateurs d’objets asiatiques vendus en France, les Chinois et les Japonais sont aujourd’hui nombreux. Il n’est pas rare de voir ainsi retourner dans leur pays d’origine les œuvres importées en Europe un siècle plus tôt. Le retour aux sources… en toute sagesse !
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