FR
EN

Un bonheur peut en cacher un autre

Samedi 23 octobre 2010

Cette semaine, c’est un groupe en bronze qui a retenu l’attention du commis- commissaire-priseur Philippe Rouillac. Qui en profite pour parler de cette vie du XIXe-XIXe.

Cette semaine, c’est un groupe en bronze qui a retenu l’attention du commis- commissaire-priseur Philippe Rouillac. Qui en profite pour parler de cette vie du XIXe-XIXe.

Ce groupe en bronze figure deux bœufs attelés à un joug. Celui de droite baisse la tête, entraînant ainsi légèrement celui de gauche. Sans doute viennent-ils d’être dételés après une journée de travail aux champs. L’acuité de la représentation révèle le talent d’un grand sculpteur animalier du XIXème siècle, Isidore Bonheur, dont le nom est lisible sur la base. Né en 1827 et mort en 1901, il est le frère de Rosa Bonheur. Tous deux apprennent le dessin auprès de leur père, Raymond Bonheur. Mais tandis que Rosa privilégie la peinture, Isidore préfère la sculpture. Pour autant, leurs thèmes de prédilection sont les mêmes : il s’agit avant tout de représenter l’animal, sauvage ou domestique. Ainsi, nos deux bœufs attelés à un joug nous rappellent le célèbre tableau de Rosa Bonheur, exposé en bonne place au Musée d’Orsay, « Labourage nivernais ». Cette toile représente des bœufs tirant deux charrues dans une plaine bourguignonne.

Cet intérêt pour un sujet de la vie rustique révèle l’évolution des conceptions artistiques au XIXème. Certes, dès le XVIIème siècle, Paulus Potter (peintre néerlandais) se passionnait pour la représentation de bovins, mais le sujet était loin d’être considéré comme noble. Les rares animaux représentés étaient les chevaux et parfois les chiens, accompagnant l’homme à la chasse. Le XIXème siècle, siècle des révolutions, s’intéresse désormais à la vie quotidienne, notamment à la campagne. Il en est ainsi en littérature, avec Maupassant et sa nouvelle « Aux Champs », comme dans les arts plastiques. Rappelons enfin un des tableaux les plus célèbres de cette époque, « L’Angélus » de Millet. Le sculpteur Isidore Bonheur s’inscrit donc dans cette mouvance.

Le XIXème siècle est également marqué par l’évolution des techniques, permettant une plus grande diffusion des œuvres. Les artistes officiels présentent leurs créations lors des Salons organisés à Paris, la première participation d’Isidore Bonheur remontant à 1848. Pour la sculpture, il s’agit alors souvent de modèles en plâtre. Une médaille obtenue au Salon représente la perspective de nombreuses commandes. Ainsi, une œuvre peut être fondue en bronze pour orner un monument public. Quelques décennies après Isidore Bonheur, François Pompon crée un taureau de bronze en grandeur nature. Celui-ci est installé place Charles de Gaulle, dans la ville natale du sculpteur, à Saulieu en Bourgogne.

Pour viser la clientèle particulière, l’artiste réalise généralement son modèle à échelle réduite. De multiples exemplaires sont édités, en bronze ou en régule, alliage moins onéreux. La production devient alors quasi industrielle, et les créations d’un Barye, figurant des animaux sauvages, ou d’un Pierre-Jules Mène, représentant des chiens ou des chevaux, sont largement diffusées. Au début des années 1940, les statues d’animaux de la ferme sont encore plus répandues. Elles sont offertes aux propriétaires des plus belles bêtes lors des comices agricoles. Vichy les encourage : « la terre ne ment pas »…

Ferdinand Barbedienne est le plus célèbre fondeur du XIXème siècle. Pour Isidore Bonheur, c’est Hippolyte Peyrol, son beau-frère, qui réalise d’après ses œuvres des épreuves de belle qualité, cependant rarement marquées de son cachet. Celui-ci n’est d’ailleurs pas visible sur la photographie.

Ce groupe de deux bœufs attelés à un joug est donc un exemple intéressant d’objet d’art au XIXème siècle. Il pourrait trouver preneur en vente publique autour de 500 €, sous réserve des dimensions exactes et d’un examen de visu, permettant d’en apprécier la patine, sans doute brun médaille, mais apparaissant malheureusement « jaunasse » sur la photographie.

Aujourd’hui, la vitesse et l’hyper-productivité devenant omniprésentes, c’est un hymne au travail des champs, à la vie rustique et au rythme des saisons bien appréciable. Le Bonheur à portée de main…
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :