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Pour une coupe de mariage tout un symbole

Samedi 07 août 2010

Cette semaine, Jean-Pierre nous envoie les photographies d’une coupe qui « a été offerte à mes beaux-parents lors de leur mariage ». Il nous demande une estimation.

Cette semaine, Jean-Pierre nous envoie les photographies d’une coupe qui « a été offerte à mes beaux-parents lors de leur mariage ». Il nous demande une estimation.

Cette coupe sur pied, très probablement en porcelaine de Limoges, est à fond bleu profond. Ses anses en volutes dorées rappellent aussi le décor des bordures de la partie supérieure et de son pied. L’intérieur de la coupe, à fond bleu également, est peint à l’or d’un faune musicien jouant de la flûte entouré de volutes feuillagées et de chimères. D’après les informations que nous donnent notre lecteur, cette coupe a été offerte pendant l’Entre-deux-guerres. De plus, elle est inscrite en dessous « Made in France », preuve que la production était aussi destinée à l’exportation.

Bien que haute sur son pied, elle reprend par ses anses et son petit bassin les traditionnelles coupes de mariage. Mentionnées dès le XVIIème siècle et utilisées comme telles jusqu’au XIXème, ses coupes, hémisphériques aplaties et non couvertes, sont offertes à l’occasion d’un mariage. Le jour de cette cérémonie, les mariés buvaient traditionnellement dans cette coupe en verre, faïence, argent, étain. Elles sont généralement montées sur un pied bas et munies de deux anses verticales sur les côtés. La nôtre diffère de par la hauteur de son pied mais la forme est clairement indentifiable. Même si elle n’avait pas pour fonction de récipient et que les mariés n’avaient pas à boire dedans, c’est une coupe de mariage offerte à cette occasion. Symbole d’union entre homme et femme, les deux anses hautes tenant la coupe, signe de vie, connotent souvent un destin favorable dans la tradition judéo-chrétienne. Comme le Graal, la coupe du Christ, elle est symbole de vie.

La charge symbolique ne tient pas seulement à la forme de l’objet, son fond bleu est également de circonstance. Notre coupe est décorée d’un fond bleu caractéristique du savoir-faire français des porcelainiers depuis la Manufacture Royale de Sèvres. En effet, ce bleu découvert en 1749 par le chimiste Hellot, le « bleu de Sèvres » est conçu à partir du cobalt. Il fera la réputation des productions françaises au XVIIIème siècle et surtout de la Manufacture de Sèvres. Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à voir ici Limoges s’en inspirer pour ces créations plus modernes. Ce bleu de cobalt est appelé selon ses différentes nuances bleu royal ou bleu de Saxe en Allemagne. Utilisé en peinture, Vincent Van Gogh écrit à son frère Théo : “le bleu de cobalt est une couleur divine et il n'y a rien de plus beau pour installer une atmosphère”. Il est lui aussi chargé de symbole. Selon Michel Pastoureau, l’historien des couleurs, le bleu est associé à la divinité dans toutes les mythologies: à Amon-Râ, dans l’ancienne Égypte ; en Grèce à Jupiter, père des dieux et des hommes, et à Junon, incarnation de la féminité féconde et épanouie…Le bleu est symbole de fidélité, chasteté, loyauté et justice dans la tradition chrétienne. Symbole de pureté et de fidélité, il est en Occident la couleur, en plus clair, de la robe de la Vierge Marie. Comme elle, le bleu sert de lien entre la terre et le ciel, le terre-à-terre et le spirituel.

Il est une des couleurs les plus utilisées en céramique et le décor à l’or ou de mixtion cuivrée le met en valeur. En effet, l’or, sous la forme d’un précipité en poudre, est posé sur une fine argile qui est ensuite cuite, et polie à la pierre d’agate. Cette opération, appelée le brunissage, est toujours utilisée par les manufactures de Limoges afin de révéler la brillance de l’or. Ce mariage or et azur est caractéristique des productions de Sèvres et des manufactures parisiennes. Limoges en conserve la technique et continue d’orner de filets ou dessins d’or certaines de ses productions. Sans doute, notre décor intérieur de faune accompagne en musique les mariés dans la célébration festive de leur union ! Personnage tiré du défilé de Bacchus, sous l’Antiquité, où déjà cette union était sacrée.

Dès lors, pour notre coupe de mariés, travail très probablement des porcelainiers limousins, l’on peut espérer autour d’une cinquantaine d’euros en vente publique. Elle rappelle un moment clef de la vie et mérite une place de choix dans la décoration de votre intérieur. Produite et offerte pour un joyeux évènement, elle en conserve le souvenir… et tous ses symboles. Vives les mariés !
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