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Nuit d'ivresse à Versailles

Samedi 27 novembre 2010

Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac décrypte, cette semaine, une scène mythologique où des jeunes femmes nues reposent sous le regard de satyres… Anne T. nous envoie la photo d’un « tableau en (sa) possession pour en connaître la valeur artistique et financière ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, décrypte cette scène mythologique où des jeunes femmes nues reposent sous le regard de satyres en embuscade.

Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac décrypte, cette semaine, une scène mythologique où des jeunes femmes nues reposent sous le regard de satyres… Anne T. nous envoie la photo d’un « tableau en (sa) possession pour en connaître la valeur artistique et financière ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, décrypte cette scène mythologique où des jeunes femmes nues reposent sous le regard de satyres en embuscade.

Éclairées par un Amour,qui tient une torche dans chacune de ses mains, quatre bacchantes nues dorment,épiées en haut à droite par deux satyres. Cette scène légère est gravée d’après un tableau du peintre François Boucher, comme une précédente gravure que nous avions expertisé le 30 octobre : « Pensent-ils au raisin ? » Boucher excelle dans les descriptions de corps nus.L’antiquité est souvent le prétexte à un appel de la chair, qui enchante l’œil de la Cour réunie à Versailles autour du roi Louis XV.

Cette scène est tirée d’un ouvrage du poète grec Euripide, écris en 405 avant notre ère, et intitulé Les Bacchantes : « Elles dorment tranquillement, adossées à un sapin ou à un chêne, ou encore couchées au hasard sur le sol. Rien d’impudique dans cette ivresse : ni vin, ni musique de flûte,ni recherche d’un mâle au fond des bois. » C’est la virginité des Bacchantes qui attire la convoitise des satyres qui les épient. Redoutables guerrières, vêtue des peaux de bêtes sauvages qu’elles ont chassées, les Bacchantes veillent jalousement sur leur vertu, pour accompagner le dieu du vin Bacchus dans les fêtes bacchanales.

L’alliance de la vertu et du vin surprend,mais c’est justement l’effet recherché dans cette gravure dédiée à « Monsieur Navailles, Chef du Gobelet du Roy ». À Versailles, le Gobelet est « le lieu où l’on fournit le pain, le vin et le fruit pour la bouche du roy », nous apprend le dictionnaire de l’Académie Française de 1776. Le chef du Gobelet apporte lui même, au début du service, la « Nef royale » escorté par trois carabiniers et dix-huit gentilshommes. Cette Nef pèse vingt-six kilos d’or et de pierres précieuses :elle contient les senteurs du roi, les épices et les remèdes pour lutter contre une tentative d’empoisonnement. À son passage tous s’inclinent cérémonieusement.Aujourd’hui, vous pouvez visiter à Versailles l’Antichambre du Grand Couvert,qui vient d’être restaurée et est ouverte au publique depuis le 18 octobre2010. C’est là que cette Nef était conservée, et où chaque plat était goûté avant d’être servi aux monarques.

Notre gravure n’est pas unique,et a été réalisé par René Gaillard au 18e siècle. Elle n’a donc pas la valeur d’une peinture originale de François Boucher. Cependant, un autre exemplaire de cette gravure est conservé au Musée du Louvre à Paris, avec la prestigieuse collection de la famille Rothschild ! Les dimensions de l’œuvre du Louvre sont de 43 centimètre de haut par 35 centimètres de large. Si votre gravure a la même taille que celle du Louvre, et qu’elle est en bon état sans mouillure, comptez sur une estimation de 60 à 100 € aux enchères ! Sinon, divisez par trois. Et si par hasard vous croisez un jour quatre bacchantes endormies au pied d’un arbre, n’ayez pas le réflexe d’un satyre… elles pourraient vous tailler en pièce pour l’honneur de leur Roy !
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