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Lettre à Paulette, la petite soeur de Napoléon

Samedi 10 juillet 2010

Cette semaine, Sylvain de Tours, nous envoie la photographie d’une lettre signée.Décryptage et lecture « entre les lignes »

Cette semaine, Sylvain de Tours, nous envoie la photographie d’une lettre signée.Décryptage et lecture « entre les lignes »

Quelques lignes et nous voilà plongés au temps du Premier Empire français !Cette précieuse « lettre autographe signée », manuscrite,elle est celle d’un frère échangeant de bons sentiments avec sa petite sœur.Son auteur est Louis Bonaparte (1778-1846), frère de Napoléon Bonaparte, Napoléon1er (1769-1821). Son destinataire n’est autre que sa sœur, Marie-Paulette Bonaparte dite Pauline (1780-1825), qu’il appelle « Paulette », alors qu’elle réside rue du Faubourg-Saint-Honoré dans l'hôtel Charost,qui abrite aujourd'hui la résidence de l'ambassadeur de Grande-Bretagne. Son mari, Camille Borghèse, est alors Colonel de carabiniers affecté à l’armée d’Allemagne. En voici le propos :

« Ma chère petite sœur, vous pensez bien que j’ai appris avec le plus grand plaisir, que vous vous portiez mieux. J’espère que cela se soutiendra, et qu’au printemps prochain, vous serez tout à fait rétablie. Du moins, je le désire bien vivement. Il faut pour cela que vous vous ménagiez beaucoup l’hiver. Dites à M. Hallé, je vous prie, que puisqu’il réussit si bien auprès de ma sœur, je voudrais bien qu’il me donnât quelques bons conseils pour moi ; ma guérison devrait le tenter, ce serait un chef d’œuvre. Au reste, je me résigne, j’endure avec patience…et j’espère que quelque jour, je trouverai moi-même le moyen de me guérir. Adieu, ma chère Paulette, l’on m’a assuré que votre mari d’Allemagne avait eu une mission pour l’Italie, je m’en félicite. Si j’étais à Paris aujourd’hui, j’irais embrasser ma petite sœur et lui renouveler l’assurance de la tendre et sa constante amitié de son frère mais quoique je sois éloigné, ma chère Paulette, mes sentiments et mes vœux seront toujours les mêmes. Adieu. Louis B…pte».

Louis Bonaparte s’est marié en 1802, avec Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine – première épouse de Napoléon Bonaparte – afin de sceller l’alliance des Famille Bonaparte et Beauharnais. Il reçut à la création de l’Empire, le titre de Grand Connétable. En 1805, il se voit confier le commandement militaire le plus important car se trouvant sur des frontières très exposées : il est à la tête de l’armée du Nord. Les annexions territoriales amèneront l’Empire à compter jusqu’à 130 départements ! Cette lettre est écrite à Nimègue, une ville prise par la France en 1794, la plus ancienne ville des Pays-Bas, à la frontière de l’Allemagne. Une ville chargée d’histoire par la signature de nombreux traités mettant fin à la Guerre de Hollande. Notre lettre sur papier à en-tête est datée du 1erjanvier 1806. Louis Bonaparte occupe alors le territoire de la République Batave,c'est-à-dire majeure partie du territoire actuel des Pays-Bas.Elle est écrite l’année où Napoléon décide de mettre fin à cette République : la Hollande constituant un point stratégique, il veut la placer sous une autorité forte. C’est pourquoi il mettra sur le trône son plus jeune frère Louis : il croyait qu’en nommant un membre de sa famille il pourrait exercer plus d’influence. Il ne plaira pas à Louis d’être obligé d’obéir sans discuter aux ordres de l’Empereur ! Il invoquera le mauvais climat nordique… Napoléon lui rétorquera qu’il vaut mieux mourir roi que de vivre prince ! Celui-ci souffre de rhumatismes et en fait état dans cette lettre. Il est en effet obligé de fréquenter régulièrement des lieux de cure et se voit mal s’installant dans un pays froid.M. Hallé, dont Louis espère les conseils, est le premier médecin de Napoléon Ier… Mais Louis s’inclinera devant l’obstination de Napoléon et le5 juin 1806, il deviendra souverain du royaume de Hollande. Il se révèlera bon monarque et jouira de l’estime des hollandais en introduisant une vaste réorganisation administrative et en achevant de grands travaux d’endiguement.Louis abdiquera en juillet 1810 et s’enfuira en Bohême…

Revenons à notre lettre pour observer qu’il y a deux « mains »dans cette lettre. En fait, cette lettre a été rédigée – à la fine plume d’acier – très probablement par un secrétaire de Louis Bonaparte, qui lui en a fait la dictée. Après l ’avoir relue, Louis a ensuite avec la même encre sépia, probablement à l’aide d’une plume d’oie, et de façon plus appuyée, corrigé son texte, d’une écriture moins claire. Il a rayé ses fonctions et son rang, et l’a signé de façon quasi illisible…comme son frère d’ailleurs ! Les choses« s’emboitent » donc tant sur le fond que sur la forme !Ce document s’adresse aux amateurs de « souvenirs historiques ».Il ne décrit pas d’intrigue, de stratégie, ou de secret politique mais n’en reste pas moins un témoin de la manière de correspondre sous l’Empire, entre un frère et une sœur dûment identifiés ! Il est difficile de donner la valeur d’une lettre dite de famille, sans son cachet… comptez néanmoins une centaine d’euros… Au bas de cette lettre a été inscrit au crayon de bois le nombre« 17 », ce qui indique qu’elle faisait partie d’une suite de documents ou de correspondances dont elle a été extraite (trace de collage et de couture).De plus, en observant cette lettre par transparence, on observera un filigrane…

Pour répondre à la demande de notre lecteur sur les conditions de conservation de cette lettre : à l’abri de la lumière, de l’humidité et à température constante, et sans la mettre au contact d’un papier acide, car le papier de cette lettre jaunirait !Quelques mots, quelques noms et c’est le fil de l’histoire qui se déroule… !
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