Deux meuble pour le prix d'un
Samedi 23 janvier 2010
Yvette Marié de Romorantin nous envoie la photo d’un meuble provenant d’un « d'un héritage de Bourgogne prés de Chalon sur Saône : une commode qui a la particularité d'avoir le tiroir supérieur fixe car le dessus se soulève. » Maître Philippe Rouillac commissaire priseur nous livre le secret de cette particularité.
Les meubles de nos maisons sont sans cesse améliorés au fil des siècles pour offrir chaque fois plus de confort aux générations successives. Ce meuble en est l’illustration, puis qu’il combine deux fonctions : coffre et commode. Le coffre apparait en Europe dès le Moyen-âge. À cette époque trouble où les Grands de ce monde sont nomades, le coffre a l’avantage d’être facilement transportable. Le dictionnaire du mobilier domestique définit le coffre en ces termes : « Meuble constitué d’un corps fermé accessible par un dessus ouvrant et servant au rangement d’objets. » La commode n’apparait qu’au début du XVIIIe siècle à la cour de Louis XIV, où elle est inventée par un ébéniste de génie André-Charles BOULLE. Moins maniable que le coffre, c’est un meuble de rangement et d’apparat « constitué d’un corps fermé portant au sol, comportant un nombre relativement limité de tiroirs ».
Notre meuble a la particularité de s’ouvrir par le dessus comme un coffre, et en façade avec des tiroirs comme une commode. Alors : coffre ou commode ? Commode-coffre est la bonne appellation ! Notre commode en noyer et placage de noyer est en bois fruitier courant. La particularité ici est l’emploi des racines de cet arbre, le meuble est dit en loupe de noyer. Elle ouvre par trois tiroirs dont le premier est un trompe l’œil -nous avons vu qu’il dissimule en effet un coffre sur le dessus. Une demi-colonne est sculptée de part et d’autre de chaque tiroir, ornée d’un chapiteau dans le goût grec. Ce meuble de forme rectangulaire est très sobre. Il rappelle le renouveau pour l’antiquité à la fin du XVIIIe siècle, mais a été exécuté dans le premier tiers du XIXe siècle, d’inspiration Empire. Les rois Bourbons et Orléans remontent à ce moment sur le trône de France, après l’intermède de la Révolution et de l’Empire. Le mobilier de cette époque « Restauration » reprend nostalgiquement le style des meubles de l’Ancien Régime, d’avant la Révolution française. Les entrées de serrures sont « à écusson » et les poignées de tiroirs en bronze doré reprennent un motif de fleurette populaire au XVIIIe siècle. Mais attention à ne pas confondre avec une maie qui s’ouvre aussi par un abattant supérieur mais en principe ne présente pas de tiroirs! La maie est à la commode des maisons bourgeoises - le meuble de base des intérieurs rustiques, campagnards. –.
Les pieds de cette commode ont été apparemment refaits et rehaussés, comme l’indique leur grande hauteur et une teinte de bois plus sombre près du sol. Meubles posés sur des carrelages en effet lavés à grandes eaux, sans ménagement pour les pieds des meubles en bois disposés sur le sol même, ni sur un tapis ni sur un parquet. L’eau incrustait le bois, le pourrissait, et les pieds devaient être soit rabotés soit comme ici changés, et rehaussés. Est-ce lors de cette restauration que la commode a été transformée en coffre ? Cette combinaison de coffre et de commode est rare, même si on trouve parfois des commodes secrétaires avec un tiroir supérieur escamoté. C’est lors de la restauration de ses pieds, que cette commode aurait pu être augmentée d’un coffre en partie supérieure qui en fait son charme…et son caractère moins fonctionnel, ne pouvant rien disposer sur le dessus…Compte tenu de son particularisme et des petits accidents de placage visibles sur la façade, comptez en vente aux enchères entre 300 € et 400 € pour cette commode-coffre de l’époque de la Restauration. Elle mériterait peut-être…encore une petite restauration !