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Au temps des tables fleuries

Mercredi 02 juin 2010

Aujourd’hui Jacqueline nous envoie la photographie d’un « vase ayant appartenu à ses grands-parents ». Malheureusement fêlé, elle aimerait cependant en connaître l’emploi. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur à Vendôme, nous invite à passer à table pour lui répondre.

Aujourd’hui Jacqueline nous envoie la photographie d’un « vase ayant appartenu à ses grands-parents ». Malheureusement fêlé, elle aimerait cependant en connaître l’emploi. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur à Vendôme, nous invite à passer à table pour lui répondre.

Quelle place occupait cet objet dans le quotidien des grands-parents de notre lectrice ? Formé d’un soliflore s’emboitant dans une coupe, cet objet en verre partiellement opaque et à décor gravé de branchages, aiguise notre curiosité. Son utilité n’est pas évidente et le fait,qu’il soit en deux parties questionne notre lectrice. Objet de décoration,pièce appartenant aux arts de table, il s’agit d’un centre de la table, appelé aussi surtout de table.

En effet, le dressage d’une table pour un dîner raffiné ou des agapes mondaines peut être agrémenté d’une décoration centrale dite « centre de table ». Cela peut aller du simple bouquet, de l’aquarium contemporain, à l’ensemble architectural magnifique composé de nombreuses pièces, tel le surtout de mariage en porcelaine de Sèvres du Dauphin réalisé en 1770. Très utilisée sur les grandes tables royales ou républicaines du XVIIème au XIXème siècle, c'était à l'époque une pièce indispensable qui faisait suite aux nefs de table utilisées au Moyen Âge et à la Renaissance.Parfois spectaculaire, comme celui que l’orfèvre parisien Roettiers livra en1736 au Prince de Condé en argent massif ou le surtout de cent couverts commandé par Napoléon III à la manufacture Christofle, qui ornait la galerie des Tuileries dans toute sa longueur. Il peut être aussi un élément plus léger et plus intime,tel celui-ci.

Pour y mettre des épices, condiments, fleurs,bougies et pour somptueusement réjouir ou impressionner les invités, on le trouve désormais malheureusement plus rarement sur nos tables. Conservé au Louvre et actuellement visible à l’exposition Bernard Perrot 1640-1709.Secrets et chefs-d’œuvre des verreries royales d’Orléans, un élément de surtout de table Dauphin de la fin du XVIIème siècle nous montre déjà que l’utilisation des centres de tables en verre, est ancienne et de tradition prestigieuse. Notre modèle, plus épuré, est moins ancien et peut être daté de la fin du XIXème ou du début du XXème siècle. D’ailleurs, on retrouve dans les productions de la Cristallerie de Clichy à partir de 1860, un centre de table d’une forme très semblable en cristal gravé de guirlandes de feuillages. C’est un modèle plus discret, destiné à la table d’un repas raffiné pour quelques convives choisis. Le fait qu’il soit en deux parties peut s’expliquer dans le choix de pouvoir à sa guise poser un bouquet sur la coupe ou de disposer des plantes fleuries dans le soliflore. Laissez votre imagination embellir vos tables !

Malheureusement et comme l’a démontré l’exposition Petits bouleversements au centre de la table au Musée des Arts décoratifs en 2008,après son apogée aux XVII et XVIIIème siècles, époque du service dit "à la française", le centre de table est tombé peu à peu en désuétude. La coupable ? L'évolution de notre société, dans laquelle désormais le repas n'occupe plus la place prépondérante qu'il avait auparavant. Il ne semble plus être un élément indispensable de notre quotidien. Le centre de table de notre lectrice peut atteindre, en bon état, cinquante euros en vente publique. Comporte-t-il une marque de fabrication telle Clichy ou Baccarat ? Si oui, c’est un plus ! Encombrants ou trop protocolaires, beaucoup de centres de table ont été remisés au placard. Espérons désormais que le nôtre n’aura pas le même destin ! Cela signe une si jolie table à laquelle sont toujours sensibles amis, famille et convives.
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