FR
EN

Invitation colorée à la bohème

Samedi 15 mai 2010

Cette semaine, Christian nous envoie les photographies de deux tableaux représentant un couple de bohémiens. Chez son père, il a toujours connu cette paire de toiles accrochée au mur mais, aujourd’hui, il désire en savoir plus sur ces œuvres qu’il regarde depuis son enfance. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur à Vendôme, lui répond. En route !

Cette semaine, Christian nous envoie les photographies de deux tableaux représentant un couple de bohémiens. Chez son père, il a toujours connu cette paire de toiles accrochée au mur mais, aujourd’hui, il désire en savoir plus sur ces œuvres qu’il regarde depuis son enfance. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur à Vendôme, lui répond. En route !

Danseuse ensorcelante, aiguiseur de couteaux, diseuse de bonne aventure, forain… la bohémienne et le bohémien ont une réputation sulfureuse dans notre imaginaire. Parcourant l’Europe depuis des siècles, appelés Bohémiens, Gitans, Roms, Gypsies pour les anglais ou Tsiganes pour les Espagnols, ils interrogent et fascinent. Tour à tour crainte puis aimée, la gitane est symbole de plaisir, de joie et de voyages colorés.Son nom a été donné à une marque de cigarettes. La Gitane, fumée par Gainsbourg et toute une génération, devient évidemment symbole de liberté. Les deux tableaux sont signés « A. David » et peints dans la seconde moitié du XXème siècle.Gageons que notre portrait, soit celui de la danseuse au tambourin des cigarettes à la fumée bleue!

Parfois chassés ou incompris,c’est un peuple riche d’une histoire et d’une langue aux origines lointaines.Chassés de la vallée de l’Indus au XV ème siècle par les troupes de Tamerlan,ils seront appelés à tort bohémiens ou gitans, selon qu’on les croyait venir d’Europe Centrale ou d’Égypte. Vivant déjà en nomades, ils sont respectés parfois et chassés souvent. Vivant de petits travaux et en marge des civilisations sédentaires, une réputation de vol et de sorcellerie leur est trop souvent associée. Les diseuses de bonne aventure du Caravage et de Georges de La Tour tentent de leur associer la magie. C’est au XIXème siècle que leur image se charge d’une symbolique romantique, ils fascinent. La mode est à la vie de Bohème ! Déjà décrite en 1659 par Tallemant des Réaux, c’est Balzac qui la définit le mieux : « La Bohème n'a rien et vit de tout ce qu'elle a.»Cela n’empêche pas notre bohémienne de sourire, tout comme la « Gitane aux seins nus » de Matisse conservée au Musée de l’Annonciade ou la magnifique « Lola de Valence » de Manet peinte en 1862. Cette attirance pour les couleurs chaudes et le voyage sont l’héritage des séjours orientaux de Delacroix.En littérature, la vie de Bohème a aussi son héroïne amoureuse. Incarnée par Esméralda dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, paru en 1832, elle est la femme libre, un peu sorcière, qui déchaîne les passions. Encore aujourd’hui, Aznavour, nostalgique, chante cette vie qu’il connut jeune, Yves Brayer,envoûté, aima peindre les bohémiens dans leur quotidien.

D’ailleurs notre bohémienne ne voyage pas seule, et, le fait qu’elle soit en couple augmente son intérêt. Mesurant46 cm de hauteur par 38 cm de largeur, ce sont deux portraits grandeur nature.Ils sont tous deux peints en buste et portent le même foulard rouge à pois blanc. La femme souriante pose naturellement comme devant un objectif. Ses cheveux d’ébène tombent sur ses épaules couverts d’un châle à pivoines cousu de frange. Le rouge de ses lèvres rappelle la couleur du foulard qu’elle porte dans les cheveux alors que son mari l’a autour du cou. Larges boucles d’oreilles, bracelet et croix en or sont portés avec grâce par la femme, lui a seulement l’oreille percée d’un anneau. L’homme est couvert d’un chapeau de gardian camarguais ; il paraît plus dur que sa joyeuse compagne. Ces gens du voyage colorés forment une paire de tableaux très décorative et vraisemblablement peints dans la décennie des années 50. Ils pourraient trouver amateur en vente publique autour de deux cents euros la paire. Toujours empreints d’un imaginaire folklorique, le brun ténébreux et la danseuse envoûtante ne sont pas sans charme. Mais qui se cache derrière cette signature de « A. David » ? Nos bohémiens le savent peut-être !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :