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Des vases d'autel en la semaine Sainte

Samedi 27 mars 2010

Souvent offerts pour de grandes occasions, ces vases d'autel allaient par nombre impair. Notre expert profite de la semaine sainte pour les décrypter.

Souvent offerts pour de grandes occasions, ces vases d'autel allaient par nombre impair. Notre expert profite de la semaine sainte pour les décrypter.

Une lectrice de Romorantin nous envoie les photos de deux vases, hérités de sa mère. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur profite du début de la Semaine Sainte pour expertiser ces vases au motif religieux.

Aux heures triomphantes du Catholicisme, les églises étaient richement ornées de vitraux, tapisseries, et autres mobiliers de culte. La particularité de ces objets et que leurs décors sont étroitement liés à leurs fonctions religieuses. Le pupitre, appelé lutrin, sur lequel repose la Bible est ainsi souvent décoré d’un aigle : le symbole de Saint Jean, l’un des auteurs des évangiles. Une autre particularité est que ces objets ont été produits dans toutes les qualités et aussi dans toutes les dimensions. La taille des vases par exemple va depuis les petites burettes servant à contenir l’eau et le vin de la messe, jusqu’au grands vases de crédence, posés en décoration sur le maître autel des cathédrales. Le mobilier liturgique -autre nom du mobilier religieux, est aujourd’hui moins précieux qu’autrefois. Mais souvenez-vous de la très belle exposition consacrée à l’orfèvre Goudji l’an passé au château de Blois : des créateurs de génie continuent d’embellir les églises aux service de l’art et de la foi…

Les deux vases qui nous intéressent aujourd’hui sont des vases d’autel. Ils allaient généralement en nombre impair, trois ou cinq. De tailles progressives, ils étaient offerts à l’occasion d’un mariage, d’une naissance ou parfois d’un enterrement. Alignés sur l’un des autels d’une église, leur forme évasée permettait d’y disposer de jolies fleurs fraîches. Ces deux vases font donc probablement partie d’un ensemble plus important. Celui-ci a déjà été partagé : peut-être entre les oncles et tantes de notre lectrice ? Ils sont en céramique, mais la photo n’est pas de suffisamment bonne qualité pour reconnaître la faïence (matériau commun) ou la porcelaine (matériau de luxe). Ces vases à fond bleu ciel sont peints de figures d’hommes dans un médaillon. L’un à droite représente le Christ, fils de Dieu pour les Chrétiens ; l’autre Saint-Jean, le plus jeune des amis du Christ. Jésus est reconnaissable à sa barbe et à ses cheveux longs. Saint-Jean est identifié par son visage sans barbe et par le disque de lumière derrière sa tête : une auréole. Tous deux sont vêtus d’une tenue bleu et rouge à l’antique. Le bleu est la couleur de la Vierge Marie, mère de Jésus, alors que le rouge annonce la mort violente du Christ sur une croix. C’est précisément Saint-Jean et la Vierge Marie que l’on retrouve au pied de la croix le Vendredi Saint, précédent le jour de Pâques ! Peut-être ces vases étaient-ils destinés à une chapelle en l’honneur de Saint-Jean ou de la Vierge ?

La forme du vase imite une fleur à trois pétales, comme la fleur de lys, et repose sur un socle à piédouche. Les anses des vases sont composées de feuilles de vigne, comme celles qui protègent le raisin du vin de messe. D’une hauteur de 34 centimètres, ces vases ont été produits à la fin du XIXe siècle, dans le goût saint-sulpicien. Saint-Sulpice est une église de Paris autour de laquelle se trouvaient de nombreuses librairies et boutiques proposant des bondieuseries un peu naïves, sans grand génie artistique. Même en bon état, l’estimation de cette paire de vases est symbolique : 10 à 20 € maximum. Aujourd’hui le goût sulpicien est démodé dans les églises : ces vases ont perdu leur fonction religieuse sans jamais avoir eu de prétention artistique. La semaine à venir est appelée Semaine Sainte par les Chrétiens, qui célèbrent les derniers jours du Christ avant sa mort, et sa résurrection à Pâques. À cette occasion, nous pouvons rappeler que l’Église a aussi fait travailler les plus grands artistes : depuis les fresques de Léonard de Vinci à Milan en passant par celles d’Henri Matisse à Saint-Paul de Vence jusqu'à la chapelle de la Maison Saint-Charles à Blois par Bernard Lorgou. Une visite au musée d’Art diocésain rue des Jacobins à Blois sera l’occasion de re-découvrir des trésors. Quand l’art sacré inspire un créateur… alors il touche au divin !
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