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Sur les champs de course de Louis-Philippe

Samedi 30 janvier 2010

Un lecteur de Blois nous a envoyé les photos « de deux aquarelles dans la famille depuis très longtemps. » Il précise sa demande à Maitre Rouillac : « Peut-il retrouver l'auteur et l'époque de ces deux aquarelles et, accessoirement, leur valeur? » Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, s’attelle à l’expertise.

Un lecteur de Blois nous a envoyé les photos « de deux aquarelles dans la famille depuis très longtemps. » Il précise sa demande à Maitre Rouillac : « Peut-il retrouver l'auteur et l'époque de ces deux aquarelles et, accessoirement, leur valeur? » Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, s’attelle à l’expertise.

Le cheval est la plus belle conquête de l’homme, qui lui consacre en retour des prouesses artistiques. Les joueuses de polo chinoises en terre cuite participent à cette célébration, tout comme la statue en bronze représentant Louis XIV à cheval face à la pyramide du Louvre par Le Bernin. N’est-ce pas encore l’empereur Caligula qui avait fait nommer son cheval sénateur de Rome ? Au début du XIXe siècle un jeune peintre romantique dessine et peint avec passion les chevaux. Il s’appelle Géricault, et après lui de nombreux artistes passeront une partie de leur temps sur les champs de course : à la recherche de la vitesse, du mouvement, de la nature et du cheval. L’artiste vendômois Louis Leygues sculpte ainsi un cheval à six pattes, illustration de la marche de l’animal.

Pour dater ces dessins commençons par les décrire. Il s’agit de deux aquarelles sur papier, un support plus fragile que la toile. L’aquarelle est une technique associant des pigments de couleur mélangés à de l’eau. Elles représentent, l’une l’entrainement du jockey avec sa casaque azur, et l’autre l’entrainement du cheval non monté, sans cavalier. Un cavalier en redingote galope aux côté du jockey. Cette tenue vestimentaire rappelle le milieu du XIXe siècle. C’est en effet à cette époque que la lourde redingote est abandonnée au profit d’une chemise plus légère appelée casaque. L’artiste s’est installé au bord du champ de course. Il a figé les chevaux dans leur effort, à un moment irréel où l’homme et le cheval semblent flotter dans les airs, au rythme d’un galop effréné et pourtant plein de retenue. Une chaine de montagnes au loin et le foulard-ceinture rouge d’un cavalier peut faire penser à une scène du midi de la France, plus qu’à nos bords de Loire.

L’identification de l’auteur est une chose moins aisée. Les deux aquarelles sont monogrammées « A. D. » l’une en bas à gauche et l’autre en bas à droite. Le monogramme se compose des initiales de l’artiste : il forme une signature abrégée. Le peintre Alfred de Dreux, né en 1810 et décédé en 1860, partage ces mêmes initiales « A. D. ». Ami de Géricault, il se passionne lui aussi pour les chevaux. Son dessin le plus ancien que nous connaissions remonte à l’âge de treize ans : il représente déjà un cheval, et est conservé… au musée du Louvre ! De Dreux a été l’illustration parfaite du dandy parisien, partageant son temps entre les écuries du duc d’Orléans, Louis-Philippe roi des Français, les Salons mondains les plus courus de la capitale et les champs de courses de l’aristocratie anglaise. Il nous a laissé de nombreuses aquarelles reprenant ce même thème, et la même façon troublante de traiter les membres des chevaux comme des pates d’insectes ! Cependant, l’étude du dessin, et surtout celle de la signature ne nous permettent pas d’attribuer avec certitude ces aquarelles à de Dreux. Il s’agit plus probablement d’un peintre amateur ou d’une œuvre de jeunesse. L’observation des deux signatures fait en effet apparaitre une différence de tracé. La lettre « D » s’appuie chaque fois sur la lettre « A », mais à gauche le « D » est anguleux, alors qu’à droite il est arrondi : comme si l’artiste cherchant une signature était aussi à la recherche de son propre style. Peut-être l’ami, le frère ou la sœur d’un cavalier représenté ?

Ces deux aquarelles assurément du milieu du XIXème siècle, sont néanmoins très sympathiques par leur vie et leur mouvement, mais elles ont malheureusement été trop longtemps exposées à la lumière du jour. Cette insolation a fait jaunir leur papier, et les couleurs ont terni. Conservez vos œuvres sur papier à l’abri de la lumière directe du soleil… et elles garderont leur fraicheur ! Les dimensions ne sont malheureusement pas indiquées par le lecteur. Si Alfred de Dreux en était l’auteur le prix de ces aquarelles pourrait s’envoler. Rien ne vaut une expertise du dessin en main…à suivre donc ! À défaut comptez 150 à 200 € pour la paire anonyme et insolée, sur la base d’une dimension proche de celle d’une feuille A4. Rien n’interdit de rêver et d’espérer plus si vous parvenez à mettre un nom sur ce mystérieux monogramme « A.D. »… qui continuera de caracoler gaiement dans nos têtes !
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