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LA VIE DE CHATEAU

Lundi 24 mars 2003

Le Figaro, Valérie Duponchelle

HISTOIRE - Le chaînon manquant du chartrier d'Azay-le-Rideau, des archives familiales retrouvées par miracle, en vente le samedi 8 février.



A quoi ressemble un trésor de chartiste ? A une pile. Des vélins raidis par le temps, pliés d'ancienne manière, qui s'ouvrent avec recueillement sur des blocs à la calligraphie superbe et régulière, à l'encre beige et parfois pâlie comme une cire claire et qui attaque la première lettre avec l'envol de l'enlumineur. «Charles par la grâce de Dieu Roy de France a tous ceux que ces présentes lettres verront, Salut !» Cette lettre patente de Charles VIII, datée du 17 octobre 1493, autorise les habitants d'Azay-le- Rideau à continuer de lever encore deux ans un droit d'aide «sur toutes masnieres de gens soient deglise nobles que autres» pour payer le coût du rétablissement des fortifications et murailles de la ville (lot estimé 1500 à 2000 €). 

L'un des nombreux documents, de Charles VII à François Ier pour l'essentiel, retrouvés par miracle par les descendants de la famille de Biencourt et qui constituent «le chaînon manquant du chartrier d'Azay-le-Rideau». 

Le 8 février à Vendôme, Me Philippe Rouillac proposera aux amateurs de se replonger dans cette vie de château, bel exemple de la première Renaissance et de ses constructions novatrices, édifié, croyait-on de 1518 à 1529, sur un îlot de l'Indre pour le financier Gilles Berthelot. D'abord simple conseiller, notaire et secrétaire du roi, maître des comptes dès décembre 1511, Gilles Berthelot, issu de la famille tourangelle des seigneurs d'Azay, devint l'un des quatre trésoriers de France avant de tomber en disgrâce sous le règne de François Ier (1515-1547). Le courtisan apparaît dès le 25 mai 1512 comme le propriétaire du château
dans une transaction entre la veuve et les enfants de feu le procureur Pierre Rochelle, et les manants et habitants d'Azay (vélin in-pano de 37 x 65 cm, lot estimé 800 à 1000 €). 

Dont actes, se félicitent les archivistes paléographes et les historiens dans la ligne thématique et monographique de l'École des Annales. Demandeurs et défendeurs «ont prins et esleu led. noble homme et saige maistre Gilles Berthelot leurd. seigneur temporel, auquel seul et pour le tout arbitre et amyable compositeur, ont donné et donnent plain povoir, puissance et auctorité, en le suppliant de veoir et visiter led. procès...» a déchiffré sans peine l'expert parisien Thierry Bodin pour donner un avant-goût de banquet au catalogue de Vendôme (16 lots qui pourraient bénéficier d'une faculté de réunion, pour un produit total estimé autour de 25 000 €). 

«Un détail tout à fait important pour l'histoire de la construction d'Azay, peut-être plus précoce qu'on ne le pensait, peut-être concomitante ou antérieure à celle de Chenonceau en 1515. L'influence supposée de Chenonceau sur Azay est donc à revoir, comme l'interprétation de son architecture et de ses décors très novateurs – le premier escalier à rampe droite par exemple – qui marquent les débuts de la Renaissance en France», explique Claudine Lagoutte, administratrice du château d'Azay-le-Rideau. Ce premier «château de plai sance» en tuffeau appartient aujourd'hui à l'État, après un XIXe à la gloire de la famille de Biencourt et de ses splendides collections qui alimentèrent des ventes fleuves au tout début du XXe à Paris (ses Clouet sont aujourd'hui à Chantilly). 

«Près de 90% du chartrier d'Azay-le-Rideau» a déjà fait l'objet, en 1937, en 1942 et en 1986, de donations aux Archives départementales qui l'ont dûment classé et inventorié.  Comment dédaigner ce maillon manquant qui raconte la construction du «plus charmant des châteaux de la Loire, par son site sur une île, par son miroir d'eau, par sa taille humaine et son audace architecturale, notamment dans cette première symétrie des façades» (300 000 visiteurs par an) ?  Le dernier mot, celui qui donne les moyens d'agir, re viendra au conseil général qui, en Touraine, n'est pas des plus mal lotis.

Valérie DUPONCHELLE
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