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Chomo, artiste écologiste et anarchiste

Vendredi 25 octobre 2024

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

Chomo (1907-1999), Jouet interdit, vers 1986, série «Bois de Séverine», assemblage... Chomo, artiste écologiste et anarchisteChomo (1907-1999), Jouet interdit, vers 1986, série «Bois de Séverine», assemblage en bois, métal, peinture et dix éléments mobiles, signé et titré, 123 x 78 cm.
Mise à prix : 500 €

En parallèle à la sortie d’une monographie, les Rouillac organisent à Tours leur troisième vente d’oeuvres de ce personnage singulier. Une sélection de 99 lots, comme une invitation à retracer sa carrière.

Plusieurs personnes ont tenté de sauver Chomo de lui-même, de faire connaître l’œuvre de cet artiste inclassable, le plus souvent en vain. Les Rouillac vont-ils y parvenir ? Depuis plus de vingt ans, ils œuvrent dans ce sens. Tout a commencé quand les enfants de Chomo, peu après la mort de leur père en 1999, vinrent à la rencontre de Philippe Rouillac par le biais d’un formidable bouche à oreille, afin d’obtenir des conseils dans le cadre de la succession. Celle-ci est finalement clôturée, après plusieurs années. Est alors organisée, en 2009, une exposition à la Halle Saint-Pierre, à Paris. « Lors du vernissage, j’ai été émerveillé par son travail. J’étais encore stagiaire, mais j’ai dit à mon père qu’il fallait proposer à cette famille de l’accompagner dans la durée », explique Aymeric Rouillac qui a dirigé la rédaction de la monographie Chomo (1907-1999), sortie en librairie le 15 octobre. Cet ouvrage va permettre « d’inscrire cet artiste dans l’histoire de l’art », poursuit-il, tout comme y contribuèrent les deux premières ventes de ses œuvres organisées par la maison Rouillac en 2010 et 2017. La troisième aura lieu le 10 novembre à Tours avec 99 peintures et sculptures des diverses époques, mises à prix à 500 €. Avec un Christ en croix de fil de fer, verre et métal, on remonte aux années 1950. L’après-guerre voit se multiplier les expérimentations artistiques de Chomo, Roger Chomeaux pour l’état civil, né à Berlaimont, dans le Nord, en 1907.

Itinéraire d’un rebelle

En 1940, il est prisonnier de guerre au stalag XXI-A, en Pologne. Quant il revient de captivité en 1941, le retour à la vie civile est difficile : il s’éloigne de sa famille, laissant sa femme Marie-Germaine s’occuper de leur affaire de laine et tapis à Paris. Il se replie sur lui et sur son art. S’il a étudié aux académies de Valenciennes puis aux Beaux Arts de Paris à partir de 1926, il fait table rase de cette formation classique. « J’ai mis quarante ans à me décrotter des académies et à comprendre que l’art, ce n’était pas la figuration de ce qui est, mais de ce qui pourrait être. L’art, c’est concrétiser du rêve », expliquait-il. Cette démarche de retour aux sources, de confiance absolue en l’instinct créatif, a souvent rapproché son travail de l’art brut, ce que cet asocial invétéré refusait catégoriquement. En décalage, tant avec l’art abstrait de son temps qu’avec certains artistes conceptuels, Chomo trouve son inspiration dans les cultures primitives ou populaires, tout en laissant aller son imagination et sa conscience spirituelle. Il se tourne, à la manière des nouveaux réalistes, vers des matériaux de récupération, qu’il découpe, lacère, brûle, colle puis assemble. Sa rencontre avec le poète André Vernier, dit Altagor, va le conforter dans la voie du rejet de la culture bourgeoise et dans la volonté de réinventer la peinture et la sculpture, comme il a transformé l’orthographe au travers d’une écriture phonétique. En 1960, une exposition est organisée à partir du 17 mai à la galerie Jean Camion, rue des Beaux-arts, intitulée « Expressions noires de Chomo ». Sur fond de musique concrète, y sont présentés des toiles lacérées, des plâtres et des bois brûlés, inspirés d’un accident avec la foudre et par la vision de soldats calcinés dans leurs voitures. Le feu est un symbole ambivalent de vie et de destruction. Cinq rares exemples sont présents lors de la vente dont Polyptique aux engrenages, réalisé vers 1960 puis historié à la peinture argent dans les années 1980-1990, et Potence aux modulations. Si cette exposition s’annonçait comme le début d’une grande carrière, elle s’est achevée dans une grande confusion… Malgré un succès populaire – plus de 15 000 visiteurs en six semaines, dont André Breton qui lui fit une belle publicité –, l’artiste se met à dos les marchands et les collectionneurs en adoptant une attitude hostile, traitant Jean Cocteau « d’escogriffe » et affirmant à Henri Michaux que lui n’avait pas « besoin de mescaline pour forcer son génie ». Alix de Rothschild était sur le point d’acheter plusieurs de ses dessins quand Chomo, qui avait accroché sur la devanture de la galerie un drapeau anarchiste, la mit à la porte. Réalisant sa prophétie d’artiste maudit, il s’est saboté et a rompu le dialogue avec le milieu artistique.

Un artiste total en pleine forêt

Il décide alors de fuir le monde, s’installant dans la maison en préfabriqué installée sur le terrain d’Achères-la-Forêt que son épouse avait acquis en 1942. Dépressif, il délaisse sa femme et ses trois enfants. Vivant en ermite, il va poursuivre son travail, résolu à ne plus vendre ses œuvres qu’il retravaille sans cesse, les abîmant parfois. Naît alors son « village d’art préludien », un lieu « prélude à une initiation nouvelle » et destiné à accueillir à terme des créateurs œuvrant au début d’une nouvelle civilisation, après la fin de notre société consumériste. Il construit en 1961 le Sanctuaire des bois brûlés, héritier du Palais idéal du facteur Cheval et annonciateur de la Closerie Falbala de Dubuffet. Le jeune ingénieur Claude Clavel l’incite à ouvrir au public ce village d’art en 1964, puis l’aide à élever un second bâtiment, l’Église des pauvres, et enfin en 1968, le Refuge. Ce projet, menacé puis sauvé par André Malraux, offre un nouveau souffle à Chomo, pleinement engagé dans ce nouveau mode de vie devenu une œuvre d’art à part entière. Installant une vingtaine de ruches, il développe une conscience écologique forte. Les thèmes christiques se poursuivent dans son travail et ceux relatifs à la nature s’amplifient. Le bois est omniprésent, parfois assemblé avec du métal dans la série des « Bois de Séverine » à laquelle appartient le Qonsomater. Dans les années 1990, ses peintures s'emparent du monde des cellules. En témoigne l’encrine sur papier Agrégation de cellules bleues. Le vivant évolue et se transforme, il se niche même dans des corps extraterrestres apparaissant dans L’École de Silans, daté vers 1978, ou dans Alfa de la série des « Mutants ». Les matériaux se multiplient dans les années 1970 et 1980. Chomo n’hésite pas à en changer, tentant même des expériences dangereuses, dont une avec un chalumeau et des poubelles en plastique qui l’amènera aux urgences. La tôle et le grillage à poule habillent ses personnages fantastiques à l’image du Grand Mutant violet tandis que des « jouets stigmatisés » se transforment en Mutant auréolé aux grandes oreilles, dans un processus de détournement proche des surréalistes. Il découvre en 1983 le béton cellulaire, ou Siporex, un matériau facile à sculpter et léger, utilisé dans un Personnage. En 1985, il est le sujet du premier documentaire d’Antoine de Maximy. Un an plus tôt, il fait la connaissance de Josette Rispal, une mécène qui organisera l’exposition «Chomo à Milly – Chomo partout» en 1991. Il revient un temps sous le feu des projecteurs avant de s’isoler de nouveau, à la fin de sa vie, n’écoutant plus que la forêt de Fontainebleau lui chuchoter ses secrets.

À LIRE

Sous la direction d’Aymeric Rouillac
Chomo 1907-1999, éditions Lelivredart, 2024, 168 pages, 35 €
TABLEAUX MODERNES ET CONTEMPORAINS, SCULPTURES, BRONZES, DESIGN, ARTS DÉCORATIFS DU XXE
Dimanche 10 Novembre 2024 - 14:30 (CET) - Live
26, boulevard Heurteloup - 37000 Tours
Rouillac

Oeuvres illiustrées

Chomo (1907-1999), Jouet interdit, vers 1986, série «Bois de Séverine», assemblage... Chomo, artiste écologiste et anarchisteChomo (1907-1999), Jouet interdit, vers 1986, série «Bois de Séverine», assemblage en bois, métal, peinture et dix éléments mobiles, signé et titré, 123 x 78 cm.
Mise à prix : 500 €

Chomo, Polyptique aux engrenages, vers 1960, bois brûlés peints sur panneau de bois peint, historié à la peinture d’argent dans les annéesChomo, Polyptique aux engrenages, vers 1960, bois brûlés peints sur panneau de bois peint, historié à la peinture d’argent dans les années 1980-1990, 131 x 70 cm.
Mise à prix : 500 €

Chomo, Alfa jaune, 1992, acrylique et feutre sur papier, signé et titré, daté au revers, 105 x 75 cm.Mise à prix : 500 €Chomo, Alfa jaune, 1992, acrylique et feutre sur papier, signé et titré, daté au revers, 105 x 75 cm.
Mise à prix : 500 €
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