La vie de château
Samedi 19 octobre 2024 à 07h
Cette semaine, Jean-Jacques de Blois nous soumet la photographie d’un buffet. L’occasion pour notre commissaire-priseur Aymeric Rouillac, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.
En ce week-end de Nuit des Châteaux, le meuble de notre lecteur s’inscrit parfaitement dans le décor des belles demeures du Val de Loire de la Renaissance. En bois mouluré et sculpté, il est inscrit de l’année « 1503 ».
Est-ce à dire que le buffet de Jean-Jacques est un travail vieux de cinq siècles ? Non, ou pas complètement. Réponse de normand me direz-vous ! En effet, le buffet n’existe pas dans cette forme à la Renaissance. Dérivé de deux coffres superposés, ce meuble se compose systématiquement de deux-corps, dont la partie supérieure est toujours en retrait. L’utilisation de plusieurs essences de bois confirme également la multiplicité des périodes de production de vptre meuble. La suite de cinq panneaux, probablement en chêne, avec son fin décor de fenestrages est la plus ancienne. Au regard du traitement de ces baies simulées, elle pourrait dater du XVIe siècle, comme le supposait déjà l’œil averti de notre lecteur. En revanche, les tiroirs présentent un décor de facture plus modeste, qui a sans doute été réalisé à l’aide d’outils mécaniques. Si les motifs de losanges et d’arcs en plein cintre reprennent bien le vocabulaire esthétique du XVIe siècle, en revanche le traitement de la traverse inférieure est à envisager comme une faute ! Son chantournement correspond plutôt à un meuble rocaille, quand les pieds font penser à ceux d’un buffet Louis-Philippe. Enfin, les ferrures sont forcément postérieures : on retrouve les mêmes sur des meubles de style produits et vendus au XXe siècle.
Beaucoup d’époques et de genres dans un seul meuble. S’il n’est pas fait pour tromper, ce buffet témoigne toutefois du goût d’une époque où le mobilier Renaissance était apprécié. Un nom est même donné pour définir ce mouvement : le néo-Renaissance. Au XIXe siècle, en plein mouvement romantique, la duchesse de Berry en lance la mode. Marie d’Orléans la poursuit, en aménageant par exemple son appartement des Tuileries entre 1835 et 1839.
Aujourd’hui, ces meubles ne sont pas des plus recherchés, comme le confirme l’estimation du buffet de notre lecteur à comprendre entre 200 et 400 €, malgré la présence d’éléments anciens. Pourtant, notre attachement à la haute époque est toujours important. Souvenons-nous de l’incendie de Notre Dame, où tous les yeux du monde étaient tournés vers Paris. Cinq ans après, son chantier est bientôt terminé et nous pourrons la redécouvrir à partir du 7 décembre prochain !