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Vente de l’atelier de Raymond Reynaud, une figure emblématique de l’art singulier

Mercredi 23 novembre 2022

Le Magazine des Enchères par Interenchères, Diane Zorzi

La maison Rouillac investira, le temps d’une vente aux enchères, le site de l’ancienne imprimerie Mame à Tours. Le 27 novembre, elle organisera la sixième édition de sa vente Arts+Design, avant de disperser le lendemain l’atelier d’une figure emblématique de l’art singulier, Raymond Reynaud. Décryptage.

Au cœur des Alpilles, à Sénas, une maison-atelier conserve en mémoire les inventions et songes d’une figure tutélaire de l’art singulier, Raymond Reynaud (1920-2007). Le « Maître de Sénas », décédé en 2007, y a façonné l’essentiel de son œuvre – des centaines de peintures et sculptures qui, demeurées jusqu’alors en place, emprunteront pour la première fois le chemin des enchères le 28 novembre, avec pour « passeur » Aymeric Rouillac. « A l’heure où il faut disperser pour la première fois 100 peintures et sculptures de ce maître provençal, l’émotion me prend et je pense en particulier à ceux qui ont été et sont encore les passeurs de ces artistes inclassables », confie le commissaire-priseur à l’approche de « cette vente à nulle autre pareille ». Pour cette dispersion, Aymeric Rouillac investira la Cité de la création et de l’innovation, le site de l’ancienne imprimerie Mame à Tours, où il organisera, la veille, la sixième édition de sa vente Arts+Design, comptant des chefs-d’œuvre de Carlo Bugatti, Georges Jouve, Albert Marquet ou encore Olivier Debré.

Le choc de l’Art brut

Issu d’une famille de petits commerçants en grains et fourrages établie à Salon-de-Provence, Raymond Reynaud devient, dès l’âge de 14 ans, apprenti peintre en bâtiment, une activité qu’il mène de concert avec sa pratique du saxophone et des cours, le soir, à l’Ecole des beaux-arts de Salon. A mesure qu’il se familiarise avec la peinture artistique, au contact notamment des œuvres de Picasso, le jeune homme, épris de liberté, songe à prendre ses distances avec la voie artistique traditionnelle qui, à ses yeux, « ferme les portes de l’imaginaire ». Sa rencontre avec l’Art brut, par l’entremise de Gaston Chaissac, marque alors un tournant décisif. Les audaces de ce « peintre rustique moderne » le confortent dans sa quête d’une nouvelle forme artistique libérée des contraintes académiques. « Sa peinture devient singulière, empreinte de poésie, de géométrie divagatrice, de graphisme électrique et d’imaginaire onirique, explorant les mystères du monde et les grands thèmes populaires », détaille Aymeric Rouillac.
Alors qu’il travaille par séries, Raymond Reynaud explore des thèmes universels, à l’instar des Quatre saisons ou des Sept péchés capitaux, aborde l’imagerie populaire avec le cirque, le bal ou les orchestres de jazz, puise son inspiration dans les romans, tels Jean de Florette ou Don Quichotte, reprend l’iconographie biblique, avec ses Suzanne au bain, ou livre encore des Portraits mandalas invitant à la contemplation. Autant de sujets à partir desquels il laisse libre cours à son imagination. « La construction est nécessaire pour bâtir le tableau, mais ensuite cette architecture disparaît au profit du mystère », écrit-il, alors qu’il fragmente ses figures et use d’entrelacs, au sein de compositions labyrinthiques et foisonnantes.

Un « Don Quichotte des temps modernes »

Installé avec son épouse à Sénas, Raymond Reynaud ouvre en 1977 un atelier d’art pour adulte, le « Quinconce vert » qui se structurera, en 1990, en « Mouvement d’Art Singulier Raymond Reynaud ». Jean Dubuffet l’encourage dans cette démarche : « Dans cette période où l’art est en crise, victime semble-t-il de la sclérose d’un système centralisé, élitaire et hermétique, le milieu d’artistes populaires constitué par Raymond Reynaud apparaît comme une alternative vivante et comme le prototype d’une nouvelle forme féconde de création », écrit ainsi l’artiste et théoricien de l’Art brut.

Fort du soutien des tenants de l’Art brut, Raymond Reynaud a bénéficié de nombreuses expositions, de la Neuve Invention à Lausanne au Salon Outsider Art Fair de New York à la fin des années 1990. Plus récemment, une rétrospective organisée en 2013 à l’Espace culturel Robert de Lamanon de Salon-de-Provence a donné lieu à la publication d’une première monographie éditée aux Presses du réel, dans laquelle la directrice du musée de La Halle Saint Pierre, Martine Lusardy, célébrait « un Don Quichotte des temps modernes […] une figure emblématique de l’art singulier, comme le furent avant lui Chaissac, le Facteur cheval ou Chomo.»
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