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Maître Goupil, un renard au pelage de grès flammé

Samedi 01 octobre 2022 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Stéphanie, de Vaison la Romaine, soumet à notre expertise une sculpture de renard en terre cuite signée Francisque. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.

Le mois de septembre marque le retour des premiers frimas, mais aussi de la chasse ! Gare alors au renard trop téméraire qui se hasarde à pointer le museau hors de sa tanière. Car si le renard est parfois considéré comme un nuisible dont la chasse est appréciée en Europe, il est également un symbole de ruse, d’intelligence et d’espièglerie. Le mot renard vient d’ailleurs du nom du personnage principal de l’ouvrage médiéval « Le Roman de Renart », dans lequel le facétieux goupil Renart joue des tours au loup Ysengrin. Le succès du roman a rendu caduc le terme goupil qui sera remplacé par renard à la fin du Moyen-Age. Le renard connaitra son heure de gloire dans la culture française avec quelques-unes des fameuses fables de Jean de la Fontaine dont il est le héros cynique et malicieux. Napoléon Bonaparte dira, lorsqu’on lui reproche d’utiliser une ruse peu glorieuse pour gagner une bataille : “Je sais, quand il le faut, quitter la peau du lion pour prendre celle du renard.” Le succès du Petit Prince de Saint-Exupéry, où il campe un personnage important, permettra au renard de se refaire une place au soleil, à la lumière au XXe siècle.

La nature et les animaux ont toujours et de tout temps inspiré les hommes, les artistes et les artisans. Dans notre région, où les productions de terre cuite sont importantes, René Denert fonde son atelier de céramiques à Vierzon en 1908. C’est le début des fameuses créations Denbac, à qui la tradition familiale a attribué la sculpture de Stéphanie. Denbac est la contraction du nom du fondateur Denert et de celui de son associé à partir des années 1910, Louis Balichon. Les deux hommes produisent des pièces en grès flammé, du grès chauffé à haute température. La cuisson à 1250°C donne au grès des reflets et des couleurs caractéristiques, qui sont devenus la marque de fabrique de Denbac. René Denert décède en 1937. L’entreprise produira de nombreuses pièces uniques jusque dans les années 1940, mais la seconde guerre mondiale l’oblige à fermer. L’entreprise aura du mal à redémarrer son activité après la libération et la mort de Balichon en 1949 scellera son sort. En 1952, Denbac ferme définitivement ses portes. Le musée municipal de Vierzon conserve un important fond de pièces produites par Denbac.

De nombreux artistes ont travaillé pour la manufacture Denbac, et notamment Francisque. Ce sculpteur français, surtout actif dans les années 1920 et 1930, a créé beaucoup de pièces inspirées de la nature. L’Art Déco, mouvement créé au Salon de 1925, utilise le registre de la nature et des animaux dans la décoration de ses pièces. Paul Jouve ou François Pompon, par exemple, se feront spécialistes de la représentation animale et prenne faune sauvage comme muse. Le renard est d’ailleurs un modèle fréquemment utilisé par Francisque, il en produit sous différents supports : bronze, céramique, terres cuites…

La sculpture de Stéphanie semble de belle qualité et en bon état. Cependant, impossible de voir sur les photos la marque que Denbac appose sur toutes ses pièces à partir des années 1920. La signature de Francisque est quant à elle bien visible. Les sujets animaliers rencontrent généralement un certain succès auprès des collectionneurs et la période de l’Art Déco est aussi très prisée. C’est pourquoi cette pièce pourrait trouver preneur aux alentours de 150 €, si toutefois vous vouliez la vendre. Une affaire raisonnable qu’un amateur rusé, malicieux et un brin chenapan ne saurait laisser passer !
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