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La fine fleur de la porcelaine

Samedi 25 juin 2022 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Marie, de Blois, soumet à l’expertise d’Aymeric Rouillac un service à café en porcelaine de Limoges et précise : « Aucune pièce ne me paraît ni ébréchée ni fêlée (pour l'instant !) ». C’est l’occasion pour notre commissaire-priseur de nous en dire plus sur son histoire et sa valeur.

Lorsque l’on évoque Limoges, difficile de ne pas penser immédiatement à la célèbre porcelaine. La ville limousine a, depuis la découverte de gisements de kaolin dans ses environs à la fin du XVIIIe siècle, une réputation mondiale dans cet art de la table. La technique de la porcelaine est dévoilée en France par le père François-Xavier d’Entrecolles, missionnaire jésuite né à Limoges et résidant à Jingdezhen en Chine, capitale mondiale de la porcelaine. La pâte de la porcelaine est principalement constituée de minéraux, comme le quartz et le feldspath, auquel on ajoute du kaolin, qui est un type argile. Vient ensuite le travail de moulage, pour donner la forme voulue à ce mélange. La pâte est cuite une première fois, puis plongée dans un bain d’émail et cuite une seconde fois à très haute température, entre 1200 et 1400 degrés. Après ces étapes, la porcelaine est peinte à la main, puis cuite une dernière fois pour fixer le décor. Passez votre porcelaine à la lumière, et vous observerez qu’elle est translucide, contrairement à la faïence qui est opaque.

Les manufactures les plus prestigieuses ont fait la richesse de Limoges, habillant les tables du monde entier de délicates assiettes ou de services à café d’une grande finesse. L’industrie de la porcelaine a donné à la cité le sobriquet de « Ville rouge ». En effet, au XIXe siècle, plus d’une trentaine de fours à porcelaine fonctionnent nuit et jour, enveloppant la cité d’un halo flamboyant. Les conditions de travail particulièrement difficiles des ouvriers porcelainiers entrainent également des mouvements sociaux de grande ampleur, notamment en 1905. À cette occasion, beaucoup d’ouvriers cherchent la protection des grands syndicats, dont la CGT… fondée à Limoges dix ans plus tôt. Bien qu’aujourd’hui le kaolin soit épuisé dans le Limousin, la porcelaine de Limoges bénéficie depuis 2017 d’une protection géographique garantissant sa pérennité.

La maison de porcelaine « A. Lanternier » est fondée en 1857 par François Frédéric Lanternier et produit dès ses débuts une porcelaine haut de gamme ciblant la haute société française et européenne. En pleine révolution industrielle, l’économie de la porcelaine est à son apogée. Le fils de Frédéric Lanternier, Alfred, reprend l’activité en 1890 et achète une seconde usine. Il adapte les décors de la porcelaine aux courants artistiques dominants, et prend dans les années 1920 le parti de produire de la porcelaine de style Art Déco, qui lui apporte un grand succès. En 1925, la maison est récompensée au Salon des Arts décoratifs et industriels de Paris, recevant le Grand Prix du jury pour plusieurs pièces présentées. De nombreuses créations des ateliers Lanternier sont aujourd’hui visibles au musée de la porcelaine Adrien Dubouché de Limoges.

Le service de Marie, probablement créé au début du XXe siècle, est composé de 11 tasses et sous-tasses, une verseuse, un sucrier et un pot à lait. Il est toutefois incomplet, car une tasse manque à l’appel. Le décor, composé de délicates fleurs mauves, végétaux et dorures a, semble-t-il, conservé son éclat. Le soin apporté à la décoration de cet ensemble, les formes légèrement polylobées et la délicatesse des anses, démontrent la qualité du travail de la maison Lanternier. Cependant, les productions de Lanternier sont aujourd’hui passées de modes et certains modèles de la maison sont plus recherchés que celui de Marie, par exemple les services Art Déco. Ce service, incomplet, mais en bon état, pourrait trouver amateur aux alentours de 15 €. Quoi qu’il en soit Marie, avec un tel décor sur vos tasses, vous faites une belle fleur à vos invités pour le café !
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