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Pour une brique, t’as rien !

Samedi 04 juin 2022 à 07h

par Philippe Rouillac

Cette semaine, Stéphanie de Romorantin soumet à l’expertise de notre commissaire-priseur Philippe Rouillac des briques du parc de Menars. L’occasion pour lui de nous parler de l’histoire du fabuleux domaine de Menars, ainsi que de la construction de ces fameuses briques.

La brique, matériau de construction millénaire, a permis aux hommes de bâtir des villes entières. Utilisant l’argile comme matière première, celle-ci est mélangée à une grande quantité d’eau puis pétrie pour former une terre glaise. Traditionnellement, avant d’être cuite, la brique est disposée dans un moule en bois qui lui donnera sa forme. Enfin, les briques sont montées en pyramide dans le four et un feu est allumé en sous-sol, cuisant la terre pendant plusieurs jours. En France, lorsqu’on évoque la brique, on pense immédiatement à Toulouse, la ville rose, à la majestueuse cathédrale d’Albi et aux villes ouvrières du nord du pays. Il faut d’ailleurs bien distinguer la brique foraine, typique des régions du Languedoc, de celle appelée « brique du Nord ». En effet, la brique du Nord est plus petite et c’est précisément plusieurs exemplaires de celle-ci que Stéphanie possède. Mais ce petit rectangle de terre cuite est présent sur tout le territoire et notamment sur certaines des plus belles bâtisses de notre département, y compris au Château de Menars.

L’histoire de ce dernier est prestigieuse. Alors que Jean-Jacques Charron de Menars, beau-frère de Colbert, fait considérablement agrandir le domaine dont il hérite pendant la seconde moitié du XVIIe siècle, Louis XIV érige le domaine en marquisat. Menars abritera par la suite Stanislas Leszczynski, roi de Pologne et beau-père de Louis XV, alors en exil. Puis le château est vendu en 1760 à Madame de Pompadour, qui, si elle n’y réside que durant les quatre années précédant sa mort, engage de nombreux travaux d’embellissements et d’agrandissement qu’elle confie à Ange-Jacques Gabriel. Celui-ci brise la monotonie de la façade en ajoutant des toits à l’italienne, donc plats, sur les ailes. Le frère de Madame de Pompadour récupère le domaine au décès de sa sœur et confie de nouveaux travaux au grand architecte Jacques-Germain Soufflot. D’autres travaux nécessitant l’emploi de briques seront réalisés au cours des XIXe et XXe siècles, à l’occasion desquels des quantités énormes de briques sont produites.

Les briques de Stéphanie ont probablement été cuites localement, car il existe une grande tradition de briqueterie dans le Loir-et-Cher, comme en atteste l’espace muséal Céra’brique de Romorantin, installé dans la fabrique Normant. On peut apercevoir de chaque côté de l’inscription « Parc de Menars » des traces de vis. Servant à maintenir la brique dans le moule, celles-ci pourraient nous donner de plus amples indications sur l’époque de fabrication de ces briques. En effet, selon le modèle de vis et si elle a été usinée industriellement, on peut les situer dans le temps, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à la seconde partie du XIXe siècle. Ces briques ont peut-être été conçues dans le but de renforcer les kilomètres de murs qui entourent le Parc de plus de 400 hectares du Château de Menars et qui nécessitent un entretien permanent. Le parc abrite aujourd’hui un prestigieux domaine de chasse. Elles ont été produites en très grande quantité et il n’est donc pas rare d’en retrouver dans les maisons et propriétés du Loir-et-Cher, dont les propriétaires utilisent le stock pour faire leurs propres travaux. Si leur valeur est symbolique, aux alentours de 1€ pièce, elles sont pourtant les témoins d’une époque glorieuse de notre département. De quoi vivre la vie de château sans que cela ne vous coûte une brique !
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