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Un 1er mai sans brin de muguet ?

Samedi 30 avril 2022 à 07h

par Aymeric Rouillac

Cette semaine, Ludovic, de Saint-Firmin-des-Prés, s’interroge sur la valeur d’une décoration retrouvée dans un carton de vieux livres. Aux couleurs de l’État Français et accompagnée d’un certificat de satisfaction du Maréchal Pétain, cet objet nous plonge dans une période difficile de l’Histoire de France. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, nous éclaire sur son histoire et sa valeur.

Dès la fin du XIXème siècle, en France, les ouvriers et travailleurs prennent l’habitude de se rassembler le 1er mai pour manifester. L’année 1891 reste dans toutes les mémoires, notamment à cause des échauffourées de Clichy, mais surtout par la brutale fusillade de Fourmies. Dans cette petite commune du Nord de la France, au cœur de l’industrie textile si importante en cette fin de siècle, la troupe met fin dans le sang à une manifestation. Le bilan fait état de neuf morts, dont deux enfants. À partir de 1907, les Français s’offrent un brin de muguet pour le 1er mai. Cette tradition, qui remonte à la Renaissance, symbolise le printemps et amène également un peu de légèreté à cette journée de mouvements sociaux. En 1919, enfin, le 1er mai est déclaré jour chômé, en même temps que la journée de travail de huit heures est adoptée.

En 1941, presque un an après la débâcle de l’armée française et les débuts de l’occupation allemande, le Maréchal Pétain voit dans le 1er mai une fête idéale pour rassembler un peuple meurtri par une défaite cinglante. Le régime modifie le nom de la Fête des Travailleurs en Fête du travail et de la concorde sociale, la faisant étroitement correspondre avec la célèbre devise de Vichy : « Travail, Famille, Patrie ». Ce changement n’est pas anodin : en effet, l’appellation Fête des Travailleurs a une consonance bien trop socialiste, mettant en avant la lutte des classes, plutôt que la solidarité des travailleurs à bâtir une nation nouvelle.

Le 1er mai devient l’occasion pour le régime de Vichy de distribuer aux Français méritants des récompenses, bien souvent symboliques. Le but est encore une fois de rassembler un pays qui se divise sur la question de la collaboration avec l’envahisseur allemand. Les premiers ciblés sont les enfants : des certificats de satisfaction du Maréchal sont distribués aux écoliers. D’autres récompenses, semblable à celle de Ludovic, sont aussi remises aux citoyens.

La décoration que nous propose aujourd’hui notre lecteur représente un drapeau tricolore inversé, enrichi d’une carte physique de la France. Sur le côté droit, le bâton de Maréchal à cinq étoiles rappelle la dignité que Philippe Pétain a obtenu le 11 novembre 1918, suite à son commandement sur les champs de bataille de la Grande Guerre. En métal émaillé, elle est produite par Augis à Lyon et dispose d’un fermoir pour l’accrocher à un vêtement. Elle est accompagnée d’un certificat de satisfaction du Maréchal. De nombreuses décorations similaires ont été distribuées lors des quelques années qu’a duré le régime de Vichy. Il n’est pas rare d’en trouver, d’autant plus que celle proposée présente des éclats. Il existe cependant des collectionneurs de souvenirs historiques qui pourraient se montrer intéressés aux alentours de 20 €. Pour profiter au mieux du weekend du 1er mai, préférez toutefois épingler un brin de muguet à votre boutonnière !
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