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L'art brut, un marché en forte croissance

Samedi 05 mars 2022

Investir le Journal des Finances, Myriam Boutoulle

L’art produit par des autodidactes, qu’ils soient malades mentaux, spirites ou marginaux, est entré au musée et obtient parfois de très belles enchères. Mais il reste globalement sous-coté.


Définies par l’artiste Jean Dubuffet dès 1945 comme «des productions présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possibles débitrices de l’art culturel, ayant pour auteurs des personnes obscures,étrangères aux milieux artistiques professionnels», les créations de l’art brut regroupent trois sources: l’art asilaire, l’art médiumnique et l’art de certains marginaux inspirés. Le paradoxe veut que ces œuvres que les Anglo-Saxons qualifient d’outsider art, créées clandestinement avec des moyens de fortune, dans des hôpitaux psychiatriques ou dans les marges de la société, soient devenues un segment du marché de l’art en forte croissance.

UN ENGOUEMENT GÉNÉRAL

L’engouement pour ces créations hors normes est porté par les institutions: « Depuis quelques années, de grands musées comme le MoMA et le Met, à New York, et le Centre Pompidou, à Paris, ont commencé à collectionner et à exposer l’art brut, et il n’est plus seulement du ressort d’institutions spécialisées comme l’American Folk Art Museum, à New York, ou la Collection de l’art brut, à Lausanne. Son inclusion dans des expositions intemationales,comme la Biennale de Venise en 2013, et des ventes dédiées dans de grandes maisons de ventes aux enchères ont contribué à l’expansion de ce marché », note Sofîa Lanusse, directrice d’Outsider Art Fair Paris, qui fêtera ses dix ans en septembre.

LES STARS DES ENCHÈRES

Ces dernières années ont vu se multiplier les records aux enchères, Adolf Wôlfli en tête, avec un dessin à 795.000$ (691.199€) chez Sotheby’s, en octobre 2018. «En janvier 2020, chez Christie’s, un dessin de l’artiste autodidacte Bill Traylor est parti pour 507.000$ (457.155€). Dans les années 1970, son œuvre se vendait à peine 300$. En janvier 2016, la sculpture d’un boxeur de William Edmondson s’est envolée à 785.000$ (721.807€), et en 2014, chez Christie’s à Paris, un dessin d’Henry Darger a atteint 601.500€ », rappelle Sofîa Lanusse. Chez les opérateurs de ventes français, seules subsistent aujourd’hui les ventes dédiées Art & Utopie chez Ader, qui regroupent art brut, art naïf, art singulier et lettrisme.
« L’art brut est encore l’un des derniers domaines où l’on peut découvrir un artiste intéressant, comme Josep Baqué, dont les dessins de “monstres, merveilles et phénomènes rares” se vendent à partir de 900€,un ensemble de 454 planches étant parti à 130.000€ en 2013», s’enflamme Xavier Dominique, de la maison Ader.Tajan intègre des pièces d’art brut dans ses ventes d’art modeme, tout comme Rouillac, qui propose le 20 mars un chef-d’œuvre historique de l’art asilaire d’Eugène B., estimé 15.000€.

UN ART SOUS-COTÉ

Il ne faudrait pas croire pour autant que l'art brut est onéreux : « Aujourd’hui encore, l’art brut est sous-coté. Cela a permis à des pionniers, avec des revenus modestes, de constituer des petites collections qui ont pris de la valeur. Ainsi, l’une de mes clientes m’a contacté pour connaître les valeursd’assurance de ses œuvres. Elles avaient été multipliées par cinq en dix ans», souligne le galeriste Christian Berst, dont la spécificité est d’exposer dans des foires d’art contemporain (Fiac, ParisPhoto) des découvertes du monde entier, à l’instar de la Cubaine Misleidys Castillo Pedroso ou du Péruvien John RicardoCunningham, dont les gouaches se vendaient en 2018 entre 1.500et2.000€ et valent aujourd’hui le double. Par ailleurs, il est possible d’acheter à des prix raisonnables des « classiques » de l’art brut à la galerie Ritsch-Fisch, à l’image de ce rare dessin de Willem van Genk, qui sera présenté à 17.000€ à Art Paris, au côté de pièces historiques de Carlo Zinelli (de 25.000€ à 30.000€). Des prix peuélevés pour un artiste présent dans plusieurs collections muséales.


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