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Si la photo est bonne ...

Samedi 18 avril 2015

Cette semaine Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, est sollicité par Alice au sujet d’une photographie du célèbre Robert Doisneau retrouvée chez sa grand-mère, dans un vieil album.

Point de baiser langoureux échangé par deux tourtereaux devant l’Hôtel de Ville de Paris sur cette photo. Le sujet n’est ni fougueux ni langoureux mais il n’est cependant pas dénué de sentiments. L’histoire qu’il raconte appartenait aux personnes qui y figurent.Désormais, le spectateur peut la faire sienne. Aucun doute, la photo n’est pas prise sur le vif. La scénographie est construite, pensée. Une porte fermière,volet du haut ouvert d’où se silhouettent un couple un jeune garçon et une femme plus âgée (sa mère ?) tendant deux fromages à un homme du même âge, campé fièrement sur le seuil dela porte. Aucun regard ne s’échange : de profil, ils sont tous dirigés vers la gauche. La verticalité est accentuée avec en pendant de l’homme, un poteau-égouttoir recueillant des pots de terre cuite renversés. Scène domestique, rurale de l’après-guerre : traits graves, casquettes, habits sombres du dimanche. La localisation est difficile, si notre lectrice avance le Perche, la région de Danzé, rien ne permet de l’affirmer. Le bâti architectural est classique mais sans roussard apparent - pierre caractéristique du Perche -ici l’encadrement de la porte est de brique. D’autres scènes rustiques par Doisneau ont généralement été prises en montagne, dans les Alpes, notamment une série à Saint Véran, avec particulièrement la photo qui met aussi en scène deux laitières…Quoiqu’il en soit, moments furtifs, bonheurs minuscules éclairé parles rayons du soleil, circulant « là où il n’y a rien avoir »confiait Doisneau. Ces scènes captées du réel transfigurent ces personnages les faisant accéder à l’universalité : cette photo empreinte d’ironie en est l’illustration.Doisneau, le plus populaire des photographes français, à la veine humaniste, nous raconte son époque avec un amusement tendre et bienveillant qui ne doit toutefois pas masquer la profondeur de la réflexion.

À sa mort en 1994 à l’âge de 81 ans, Doisneau laisse derrière lui quelques 450 000 négatifs. De nombreux tirages sont proposés à la vente sur internet. Comme notre photo il s’agit de simple tirage de presse, destiné à l’illustration qui n’a aucune valeur de collection. Ces tirages qui le plus souvent n’ont pas été rendus en leur temps aux agences pour les quelles ils avaient été prêtés, ne devraient pas faire l’objet d’un commerce puisque ce sont des tirages « volés ». Notre photo qui présente au dos un des premiers tampons de Doisneau après la seconde guerre mondiale, avait dû être prêtée pour un support de presse. Néanmoins une estimation de 100 à 200 € peut être avancée. Tout dépend aussi du format et de l’état de conservation. Mais il faudrait multiplier par 10 ou 20 pour un tirage authentique que Robert Doisneau destinait lui-même aux collectionneurs, que l’on peut acquérir auprès d’un des plus grands galeristes français : Claude Bernard. Quant à un tirage signé par lui, le prix s’envole : Il y a Doisneau et Doisneau !
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