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Une hirondelle ne fait pas le printemps

Samedi 04 avril 2015

Cette semaine Colette, de La Chaussée Saint-Victor, souhaite connaître l’histoire d’un vase offert en cadeau de mariage à ses parents en 1937. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

Lignes pures, sobriété du décor, ornements géométriques. Voici des caractéristiques qui ne trompent pas, nous sommes ici face à un objet typique du mouvement Art Déco ! En 1925 se tient à Paris l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. Elle marque le point d’orgue de ce « style moderne » ainsi qu’on le nomme à l’époque, et qui existe depuis déjà une dizaine d’années environ.

Il succède à l’Art Nouveau tout en s’y opposant radicalement. Et c’est une véritable révolution. La ligne tout d’abord :courbes et cambrures laissent place aux lignes droites et symétriques, motifs naturalistes tortueux s’effacent au profit d’une ornementation géométrisante. Les matériaux également : exit les marqueteries figuratives en bois indigène au profit de placages de bois exotiques précieux, de parchemin ou encore de galuchat. Certains sont employés pour la première fois dans les arts décoratifs comme le plexiglass ou encore l’acier chromé. Tout ceci s’inscrit plus largement dans cette conquête de la modernité qui caractérise les Années Folles. La Grande Guerre doit être oubliée, et un renouveau stylistique en est un bon moyen. Il sera total : architecture, arts graphiques, arts décoratifs…. Et de plus, contrairement, à l’Art Nouveau, il séduira le monde entier. Tout est pensé dans un esprit fonctionnel et utilitaire. Ce style élégant, sobre et luxueux séduit avant tout une élite intellectuelle fortunée. Les années 30 apporteront une certaine démocratisation avec une production moins haut-de-gamme, destinée au plus grand nombre. Mais ce style commence déjà à passer de mode avant de s’éteindre à petit feu avant 1940.

C’est précisément le cas du vase de notre lectrice. De forme ovoïde, orné à l’épaule de motifs crénelés en léger relief, il est en porcelaine émaillée d’un bleu foncé intense : le gros bleu. Cette couleur intimement liée à la prestigieuse manufacture de Sèvres. Elle n’en a cependant pas l’exclusivité et nombre de fabriques tant françaises qu’européennes ont orné et ornent toujours leurs pièces de ce bleu. Retournez le, si une hache à ’or a été peinte, c’est qu’il provient de la manufacture tourangelle de Sainte-Radegonde appartenant à Thomas Hache ! Décoré d’hirondelles en plein vol et de motifs géométriques il est signé : « Georges ». Malheureusement ce Georges n’est pas un grand nom de l’Art Déco. C’est le peintre qui exécuta le décor de cette pièce. Et ce décor n’est pas très fin… On remarque des maladresses qui, couplées à une mauvaise préparation de la peinture à l’or pour les aplats, donne une désagréable impression de grossièreté.

S’il ne fait aucun doute que ce vase date bien de la fin des années 30, cela n’est pas suffisant pour lui donner une valeur importante. Comptez 80 euros en brocante. Il ne vous reste plus en ce week-end pascal qu’à laisser les hirondelles prendre leur envol et à accompagner les cloches de retour de Rome : elles garniront le jardin de délicieux chocolats. Joyeuse fête de Pâques !
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