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Un goût d’antique sonne la rentrée

Samedi 04 septembre 2021 à 07h

Cette semaine, un lecteur de Vineuil nous fait parvenir la photographie d’une garniture de cheminée. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.

Avec ses cinquante centimètres de haut, l’objet de notre lecteur ressemble à un petit temple. On appelle garniture de cheminée l’ensemble composé d’une pendule et de deux candélabres. Ici, on parle de cassolette pour un petit vase en forme d’œuf dont le couvercle se retourne pour dévoiler une bobèche. C’est dans la bobèche que l’on place la bougie. La cassolette est un genre particulier de flambeau ou bougeoir - un objet à un bras de lumière. On la différencie des candélabres qui en ont plusieurs.

Les trois éléments de cette garniture, constitués de marbre rose, sont ornés de bronzes dorés.
Ce marbre rose saumon provient probablement d’une carrière actuellement fermée des Pyrénées-Orientales : la brèche romaine de Baixas.
Le décor est plutôt sobre, constitué de rinceaux fleuris, enroulements et guirlandes de fleurs. La pendule présente un cadran émaillé blanc figurant les heures en chiffres arabes. Deux remontoirs, placés à quatre et huit heures, indiquent que le mouvement comprend une sonnerie. Il ne semble pas signé. Pour en être sûr, il faudrait vérifier la platine du mouvement située à l’arrière. Le cadran, surmonté d’une imposante corbeille de fruits et fleurs retombant en chutes, repose sur un socle qui surmonte six colonnes droites. Comme les cassolettes, le tout est posé sur une base en marbre et quatre pieds en sphères aplaties. Le balancier dansant entre les colonnes semble prendre la forme d’une autre corbeille de fleurs.

Ce genre de pendule évoque, pour les amoureux du XVIIIe siècle, les bucoliques jardins de Marie-Antoinette. Entre citation de l’antiquité et végétation maitrisée, on se prend à rêver d’après-midi dans le hameau de la reine à Versailles. Cette variation sur la pendule portique puise sa source dans les voyages en Grèce et en Italie dont les artistes rapportent de précieux dessins. Les glands et framboises placés au sommet des colonnes sont des acrotères. Les temples antiques présentent eux aussi des sculptures sur leurs frontons. Les arts décoratifs s’inspirent alors de ces voyages, comme ils le feront plus tard avec l’Égypte.

Pourtant ce n’est pas de cette époque que date la garniture de notre lecteur. Réalisée au moins un siècle plus tard, elle n’a pas la magie des modèles dont elle s’inspire. Malheureusement la reine de France n’en a jamais tourné les aiguilles…
C’est à une autre femme, une impératrice cette fois, que l’on doit ce regain d’intérêt pour le goût antique et bucolique. Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, voue un culte à la pauvre reine. Des écrits, mais aussi des tableaux, comme celui de Franz Xavier Winterhalter conservé au Metropolitan Museum de New-York, la présentent imitant Marie-Antoinette. Les grandes femmes de notre histoire ayant souvent fait et défait les modes, il est naturel qu’à la fin du XIXe siècle le goût Louis XVI refasse surface pour s’inscrire à différents niveaux. Des luxueux meubles impériaux aux garnitures bourgeoises, les styles rétrospectifs racontent une histoire de la France tout en renforçant le sentiment patriotique.

Le grand succès de ces modèles les rend aussi assez communs. Les brocantes, greniers et sites web présentent des centaines de garniture de ce type. De qualité honnête, et si le mouvement fonctionne, on peut l’estimer à environ 200 euros, alors qu’un modèle signé, contemporain de la reine, vaut au moins cent fois plus.

L’objet demeure cependant une charmante façon de sonner la rentrée et de raconter à nos écoliers le petit hameau de la grande histoire.
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