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Des fleurs des Vosges au plafond d’une maison du Loir-et-Cher

Samedi 24 juillet 2021 à 07h

Cette semaine, Jean-Luc de Mennetou-sur-Cher, nous fait parvenir la photographie d’un plafonnier. Philippe Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.



« La nature se prête à toutes les divagations du rêve » écrit Jules Renard dans son Journal de 1887 à 1892. Nous ne pouvons contredire l’auteur du célèbre Poil de carotte en ces beaux jours d’été qui invitent à la contemplation des paysages en famille. Les promenades voire les randonnées familiales sont l’occasion de découvrir ou redécouvrir les beautés de la nature. « Plongeons-nous dans son sein » pour apprécier et comparer les différentes espèces. Mais pour les amoureux des beaux-arts, les objets peuvent aussi être un prétexte pour apprécier la transcription des formes végétales. Le plafonnier de notre lecteur en est un merveilleux exemple. Des plantes à fleurs bleues composées de cinq pétales terminent toutes les branches. Les fleurs étoilées sont accompagnées de riches feuilles crénelées. Que peut être cette espèce végétale ? Elles seraient des Campanula rhomboidalis selon la nomenclature botanique de Carl von Linné publiée en 1753 sous le titre de Species Plantarum. Ces fleurs se retrouvent dans l’Est de la France principalement dans les Vosges et le Jura.

Ce sont donc des fleurs locales qui sont représentées par le créateur nancéen de cette pièce. Signé Gallé, ce plafonnier n’est autre que l’œuvre de la manufacture éponyme du grand maître verrier Émile Gallé (1846-1904). Grand admirateur de la nature et botaniste averti, il installe un jardin d’observation avant de retranscrire les végétaux dans ses œuvres. Quatre étapes précèdent la création d’un objet : « herborisation, herbier, croquis et aquarelle ». C’est donc un travail minutieux et scientifique qui est réalisé avant de travailler le verre ou la céramique. Ici l’artisan utilise une technique bien connu des amateurs de la production Art nouveau : celle du verre multicouche au décor dégagé à l’acide. Elle permet d’obtenir des images en relief tout en produisant des effets polis, mats ou satinés. Pour cela, le verrier dessine un décor sur une pièce de verre qui a été préalablement soufflée ou moulée. Le décor est ensuite recouvert par un mélange de cire et de térébenthine appelé bitume de Judée. Il sert à protéger le dessin au moment où la pièce est plongée dans un bain d’acide. À cet instant, le décor prend vie par l’apparition des couches inférieures du verre.

Mais il y a Gallé et Gallé. Déjà du vivant d’Émile Gallé, deux qualités de production coexistent. La première est destinée aux Expositions universelles, où le créateur reçoit en 1889 la médaille d’or et en 1900 le grand prix de verrerie et de mobilier. La seconde correspond à l’édition en série. Or le vase de notre lecteur est produit après le décès d’Émile Gallé en 1904, comme le démontre la signature. Elle correspond effectivement à celle qui est employée entre 1925 et 1936. Dès lors, ce verre est un produit des Établissements Gallé ce qui diminue significative l’estimation, en plus d’un petit accident. Sa valeur se situe donc autour de 200 à 400 euros aux enchères. Belles balades et belles découvertes en campagne !
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