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Idylle entre Paris, Longwy… et le Japon

Samedi 17 juillet 2021 à 07h

Cette semaine, un lecteur, nous fait parvenir la photographie d’une coupe. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.



« Oiseaux, volez aux clochers, Aux rochers, Au précipice, à la cime, Aux glaciers, aux lacs, aux prés ; Savourez, La liberté de l'abîme ! ». Tels sont les encouragements voire les préceptes de Victor Hugo aux oiseaux, de goûter la liberté du vol offert par le battement de leurs ailes. Les oiseaux sont synonymes d’affranchissement et de pacifisme, à l’exemple des colombes de la paix de Pablo Picasso. À l’initiative de Louis Aragon, une première est reproduite en 1949 sur l’affiche du Congrès Mondial de la Paix organisé à Paris. À partir de celle-ci d’autres suivront. Elles seront traitées à coup de lignes tracées à main levée dans un style plus synthétique et sans artifice. « Liberté, je te dessine » aurait pu écrire l’artiste à la façon du poète (Paul Éluard).

Un objet décoré d’oiseaux ne serait-il donc pas le plus beau cadeau pour souhaiter bon vent à un ami ? C’est bien ce que font les collègues de notre lecteur le 16 mai 1964. Ils lui offrent à son départ pour Paris, cette coupe ornée d’un couple d’oiseaux. Rien n’est mieux que de donner un souvenir d’une production locale. La coupe est acquise directement à la manufacture de Longwy. Fondée en 1798, elle se spécialise vers 1870 dans la production de produits en émaux cloisonnés, inspirés des pièces de la Chine et du Japon. Ce changement de cap advient à la faveur de ses directeurs – Fernand et Hippolyte d’Huart – tous les deux diplômés de l’École centrale des arts et métiers. Ils remarquent ensemble l’intérêt des français pour les œuvres importées ou inspirées du pays du soleil levant. « Ce n’est plus une mode, c’est de la folie, c’est un engouement » autour de ce que le critique Philippe Burty qualifie de « japonisme ». En figurant des oiseaux perchés sur un treillage de cannes de bambou, le décorateur s’inspire clairement des plats japonais de l’époque Meiji.

La production émaillée de Longwy inspirée de l’Extrême-Orient ne s’arrête pas au début du XXe siècle. La coupe de notre lecteur n’est pas une pièce ancienne comme nous le confirme le revers. Elle est le fruit de la collaboration d’Hélène Gabet et Albert Kirchtetter qui travaillent à la manufacture en plein milieu du XXe siècle. Elle est toutefois une œuvre produite en édition limitée à 150 exemplaires. Si ceci est un gage de qualité, lorsque l’on connaît la production foisonnante de la manufacture, cela permet par ailleurs d’intituler l’objet « Idylle ». Un titre simple pour personnifier un amour tendre et naïf.
Beaucoup de sentiments émanent de cette coupe, autant dans son décor que dans le contexte de son acquisition. L’estimation est en proportion. Si la plupart des objets en émaux de Longwy se négocient quelques dizaines d’euros, nous pouvons ici donner un prix autour de 150 à 200 €. Nous souhaitons donc à notre lecteur de compléter l’histoire de cet objet, en lui souhaitant une « idylle phénoménale » comme le chante Yves Montand.
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