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Un cadeau de mariage plein de symboles pour les gourmands

Samedi 03 juillet 2021 à 07h

Cette semaine, Gérard, de Lignières, nous fait parvenir la photographie d’un étrange ustensile. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.



La saison des mariages accompagne les premiers rayons de soleil et avec elle traditionnel le casse-tête des cadeaux. Dans les siècles passés ces présents célébrant l’union d’un couple étaient codifiés. Si l’armoire en Normandie et le lit-clos en Bretagne font figures de grands classiques, c’est également le cas du gaufrier de notre lecteur. L’objet présenté par Gérard est constitué de deux longues tiges en métal terminées par des plaques de cuisson à gaufres de forme rectangulaires. Ces dernières ornées de motifs décoratifs et symboliques montre la destinée de ce présent : un cadeau de mariage !

L’étude de l’origine, de l’âge et de la signification de ce travail d’art populaire est des plus passionnantes. L’époque de création de ce moule est pour sa part, beaucoup plus facile à établir. Les lettres mystérieuses apposées sur l’une des faces sont inscrites en spéculaire, c’est à dire à l’envers pour être dans le sens classique une fois estampées sur le gâteau. La date 1831 correspond à l’année du mariage des récipiendaires de l’ustensile. Comme le souligne notre lecteur, le « 3 » n’est pas à l’envers ce qui semble être une erreur. L’année 1381 est à exclure, le décor étant typique des gaufriers des XVIII et XIXe siècles. Un autre indice pourrait être de connaître la nature même du métal. La fonte de fer qui le plus souvent utilisée au XIXe ne se répand qu’à partir des années 1780. Malheureusement cette expertise ne peut se faire sur photo.

Quant à la forme, selon Joseph Gilliers, dans « Le Cannaméliste français », un dictionnaire de cuisine écrit en 1768, les gaufriers ronds proviennent plutôt de la France et les rectangulaires à rebord des Flandres. Pour autant, celui de Gérard étant d’une époque plus tardive, cet indice ne permet pas d’affirmer catégoriquement qu’il ne s’agît pas d’une production française. On appelle aussi parfois les gaufriers des « moules à oublies », du nom de cette pâtisserie fine du Moyen-Âge, tombé au fil des siècles en désuétude. Nous n’établerions donc pas de distinction entre l’une et l’autre, mais il est possible que cet instrument permettait de mouler des pâtisseries bien différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui.

Les représentations dans l’art populaire ne manquent pas de charmes et de sens cachés. Puisque la modernité a changé notre façon de vivre, certaines allégories nous sont aujourd’hui indéchiffrables. En revanche, le coq fièrement dressé sur ses pattes à la droite du dessin, est attesté depuis l’Antiquité comme un symbole de fécondité. C’est un animal qui était souvent sacrifié lors de la construction d’une maison ou la naissance d’un enfant, donc parfaitement adapté à la fonction probable de ce gaufrier. Mis en relation avec une croix et des instruments de la passion de Christ, le coq rappelle les girouettes d’églises qui chassent les démons. Les plantes luxuriantes ou arbre de vie présents sur les deux rectangles existent sont aussi des symboles pluri millénaires. Communs à la plupart des religions comme aux traditions païennes, ils s’interprètent comme la racine du couple, le développement de la vie, voire même un symbole cosmique de l’arbre-monde.

On trouve de nombreux gaufriers du XIXe siècle aux enchères aux alentours de 50 euros. Toutefois, compte tenu de sa qualité plutôt exceptionnelle celui de Gérard pourrait dépasser les 150 euros… Et ses gaufres n’en seront que meilleures !
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