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Des chasseurs en redingote… cuits sur une plaque de métal

Samedi 05 juin 2021 à 07h

Cette semaine, Nathalie, de Mont-près-Chambord, nous fait parvenir la photographie de deux œuvres encadrées. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.



Le sujet des tableaux de notre lectrice ne surprendra pas les chasseurs de notre région dont l’équipage de Cheverny en est le fleuron. La vénerie, aussi appelée chasse à courre, ou chasse à bruit, est un mode de chasse consistant à poursuivre un animal sauvage avec une meute de chiens, au son de la trompe, abusivement dit le cor. On atteste son origine au moins au début du XVe siècle. Les « Très riches heures du Duc de Berry », splendide recueil de prières réalisé à partir de 1411, figure déjà sur l’une de ces pages l’hallali d’une bête sauvage dévorée par des chiens. Ce mode de chasse est élevé au rang d’art de vivre et de divertissement sous François Ier. Aimé et encouragé par la plupart de ces successeurs, les princes y envisagent la maîtrise de leur cheval et les qualités tactiques de leur équipage avant de les emmener guerroyer.

Au XIXe siècle les représentations se focalisent d’avantage sur les cavaliers et leurs montures. Carle Vernet (1758-1836) ou Karl Reille (1886-1975) par exemple, sont deux peintres talentueux qui s’adonnent à ce thème pour donner à voir de superbes chevaux. Les tableaux de Nathalie, reprennent des compositions de ce style, avec des cavaliers portant hauts-de-forme et redingotes. Sur le premier, les chevaux sont au galop, fiers, les dos sont droits ; l’animal chassé est hors du cadre. Sur le second panneau la bête manque encore, mais une nuée de beagles flairent sa piste. Les « piqueux », ces cavaliers qui dirigent la meute, sont tout de rouge vêtus, sur le bas-côté d’une route emprunté par une voiture hippomobile. L’artiste a rendu visible, la race des chiens - si caractéristique - comme les aptitudes particulières des chevaux. Ce type de peinture permet donc à l’artiste habile de faire apprécier le naturalisme de sa touche.

Le thème des œuvres de Nathalie participent à un genre connu, mais leur technique est, elle, atypique ! Il ne s’agit ni d’estampes, ni d’œuvres originales sur toiles mais bien de plaques émaillées. Devenue une spécialité de la ville de Limoges à partir du XIIe siècle, cet art nécessite une grande adresse et une parfaite maîtrise de la cuisson. Il consiste à peindre sur une plaque métallique, en général du cuivre, avec de la poudre de verre que l’on colore avec des oxydes métalliques. En les chauffant les émaux se fixent sur la plaque. La vitrification s’effectuant autour de 900°C, les accidents de cuisson sont donc nombreux ! Il est à noter que le premier autoportrait de la peinture française a été réalisé en émail par Jean Fouquet vers 1455. Malgré son exigence, cet art est le medium de nombreux chefs-d’œuvre !

Malheureusement, le procédé employé sur les tableaux de Nathalie ne ressemble pas à celui des artistes limousins… Dès la fin du XIXe siècle des français mettent au point une technique de transfert photographique sur émail. La révolution industrielle apporte son flot de mécanisation. Entre art et artisanat, de nombreuses plaques reprenant des compositions célèbres de l’histoire de la peinture sont produites entre la fin du XIXe et aujourd’hui. Celles de notre lectrice, nous rappellent les plaques dites « Helca » que l’on trouve en grande quantités dans les brocantes. Plus mécaniques, que de main humaine, ces deux plaques sont estimées entre 50 et 100 euros. Voilà un bon moyen d’orner ses murs de compositions à la manière de Limoges, rendant hommage à un art de vivre. Une chasse que l’on peut suivre à pied ou en vélo même si on s’est n’est pas veneur, lors des laisser courre à Cheverny.
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