Le tableau de Monet retrouve Dieppe, sa ville d'origine
Vendredi 28 mai 2021
Actu.fr, Maria Da Silva
La ville de Dieppe, tableau peint par Claude Monet en février 1882, était de retour pour quelques heures seulement à Dieppe ce vendredi 28 mai 2021.
Le chevalet a été posé sur la pelouse à droite du pont-levis, non loin du château de Dieppe (Seine-Maritime). À quelques mètres près, à l’endroit où Claude Monet avait lui-même posé son chevalet, en février 1882.
C’est ce lieu en effet, loin du tumulte du front de mer très prisé de la société bourgeoise parisienne de l’époque, que le maître de l’impressionnisme avait choisi pour peindre La ville de Dieppe.
C’est ce même lieu que les commissaires-priseurs Aymeric et Philippe Rouillac ont choisi, 139 années plus tard, pour présenter le tableau ce vendredi 28 mai 2021 en fin de matinée. L’instant est émouvant et solennel même.
La peinture est arrivée bien cachée et c’est derrière un tissu qu’elle a été installée sur son chevalet avant d’être dévoilée devant quelques rares privilégiés : la presse, le conservateur du musée de Dieppe, le président des Amys du vieux Dieppe et des représentants de la municipalité.
Une belle émotion
« C’est émouvant pour vous, Dieppois, et pour nous aussi de remettre en situation ce tableau tel qu’il a été créé. C’est un événement rare » lance Philippe Rouillac, heureux de partager ce moment ici, à Dieppe. Car La ville de Dieppe marque un tournant dans la vie de Claude Monet, tant d’un point de vue personnel qu’artistique.En février 1882, le peintre a perdu sa femme il y a peu, son mécène vient de le lâcher et les huissiers frappent à sa porte.
« Il est au fond du trou et saute dans un train, direction Dieppe ».
Philippe Rouillac. Commissaire-priseurNormand, Claude Monet est en effet un enfant du pays et c’est donc à Dieppe qu’il vient se réfugier. De la ville pourtant, il ne fera que trois tableaux. D’ailleurs, en février 1882, il quitte vite l’hôtel Victoria où il séjourne sur le front de mer pour se réfugier dans une auberge de Pourville où l’ambiance est plus calme.
Ce qu’il cherche à cette époque, c’est se perdre dans la peinture. Claude Monet tourne le dos au front de mer et choisit le point de vue le plus médiéval et le plus complet pour peindre La ville de Dieppe.
On y voit au centre l’église Saint-Jacques, à droite le toit de Saint-Rémy et la ville avec toutes ses variations lumineuses qui se mélange au port. « Il peint ce tableau en plein air en deux ou trois heures seulement, tout entier concentrer sur sa peinture » poursuit Philippe Rouillac.
Un tableau important pour le peintre
Ce tableau réalisé à Dieppe sera le dernier avant ses célèbres séries, celles dédiées aux cathédrales de Rouen, aux meules ou encore aux nymphéas. Mais il y a déjà dans La ville de Dieppe la genèse de ses séries avec la silhouette de pierre de l’église Saint-Jacques et cette herbe au premier plan qui fait penser aux meules.C’est à son retour de Normandie, que les tableaux de Claude Monet commencent à se vendre. Mais il gardera pour lui La ville de Dieppe, et le tableau restera dans la famille jusqu’en 1940.
Son fils accepte de s’en séparer pour la bonne cause : une vente de charité au profit des victimes de guerre. Il entre alors dans la collection personnelle d’André Weil, galeriste, qui ne tarde pas à fuir le régime nazi pour trouver refuge avec sa collection de peinture aux États-Unis. C’est là que le tableau sera exposé pour la première fois à New York avant d’être vendu en 1945.
Mis aux enchères le 6 juin
Avant son retour en France pour être mis aux enchères le 6 juin prochain en Touraine, La ville de Dieppe appartenait à un collectionneur japonais.
« Tous les tableaux de Claude Monet se vendent habituellement à New York, mais lui tenait absolument à ce qu'il soit vendu en France ».
Aymeric RouillacEt le commissaire-priseur espère bien qu’il restera en France à l’issue de cette vente.
Ce qui est certain, c’est que le prix de départ à un million d’euros est bien trop élevé pour le musée municipal. D’où la présentation du tableau à Dieppe ce vendredi 28 mai. Car après la conférence de presse, les Dieppois aussi ont pu l’admirer dans la salle des congrès où il a été exposé gratuitement pendant quelques heures.
« C’est une belle initiative de la municipalité et nous sommes très heureux de son invitation » remercie Aymeric Rouillac.