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Un François Boucher révélé

Vendredi 28 mai 2021

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

François Boucher (1703-1770), La Petite Laitière, toile, 1769, cadre d’époque en bois sculpté et doré, 64 x 52,5 cm (détail).
Estimation : 80 000/120 000 €

François Boucher, prince du rococo, s’invite à la Garden Party du château d’Artigny avec une découverte majeure : La Petite laitière, une toile peinte une année avant sa mort.

Une fois n’est pas coutume, il ne faudra pas se fier à la notice concernant le lot 48 du catalogue version papier – par ailleurs toujours aussi riche – de la prochaine vente des Rouillac au château d’Artigny. En effet, ce n’est qu’après son impression qu’a été confirmée l’identité de l’auteur de cette toile. Un retournement de situation que l’on doit au spécialiste de l’œuvre du maître français, Alastair Laing. Ce dernier, ayant revu il y a peu La Petite Laitière de François Boucher passée dans la vente de la collection Champalimaud, à Londres chez Christie’s le 6 juillet 2005, et considérée jusque-là comme la première version du peintre sur ce thème, a finalement détrôné cette dernière. La toile présente dans la vente d’Artigny serait donc bien l’œuvre originelle, et non une réinterprétation. Une histoire pleine de rebondissements, pour un sujet célèbre de la fin de la carrière de François Boucher.

Une peinture morale ?

Datant de 1769, La Petite Laitière a connu une belle postérité au travers de nombreuses gravures, mais aussi de tapisseries réalisées par la manufacture des Gobelins à partir de 1773. Dans un article de juillet 1777, Le Mercure de France rapporte ainsi que l’entrepreneur et concierge de la manufacture parisienne, Pierre-François Cozette, a présenté à Louis XVI et à Marie-Antoinette deux tissages, l’un représentant La Petite Laitière d’après Boucher, l’autre Le Petit Boudeur d’après Greuze. De gracieuses et très appréciées réalisations, parfaitement dans l’air du temps, entre style rocaille et peinture morale. D’autant que l’on reconnaît dans notre demoiselle légère et court vêtue la Perrette de la célèbre fable de La Fontaine éditée en 1678, qui songeait si bien à la fortune qu’allait lui rapporter son pot au lait qu’elle le fit tomber. Mais « Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? »… Aussi sommes-nous compatissants devant la jeune fille rêveuse et pleine d’allant du peintre, son pot juché sur la tête et semblant ignorer les pierres amassées au premier plan… Une composition en tout point séduisante, qui charma au siècle dernier la sculptrice franco-suisse proche notamment d’Alberto Giacometti et épouse du critique Patrick Waldberg, Isabelle Marghareta Farner Waldberg (1911-1990). Récompensée en 1961 du prix Bourdelle, elle fut également à partir de 1975 professeur à l’École des beaux-arts de Paris. En 1951, elle céda le tableau – avec le concours de l’historien d’art Robert Lebel, auteur à cette date d’un certificat d’authenticité de l’œuvre – à une collectionneuse du Jura, pour la somme de 3 MF (environ 75 000 € en valeur réactualisée). Il est resté par descendance dans la famille de cette dernière, en Touraine, jusqu’à aujourd’hui. On attend avec impatience le nouvel épisode de cette saga.
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