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Envolons-nous pour redécouvrir les oiseaux

Samedi 22 mai 2021 à 07h

Aujourd’hui, Brigitte, nous fait parvenir la photographie d’une sculpture. Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.



Si les trajets aériens sont limités en raison de la crise du corona, rien n’empêche de migrer vers la campagne pour observer les oiseaux. Notre riche département de Loir-et-Cher compte « 322 espèces documentées dont 139 y nidifient régulièrement ». Cette diversité permet d’observer de nombreuses espèces ornithologiques, qui peuvent être un prétexte à des balades en famille. Certains de ces oiseaux sont menacés à l’exemple du héron pourpré. D’ailleurs, ne faudrait-il pas reconnaître trois de ces individus figurés dans la sculpture de notre lectrice ? Les ailes sont très fournies, les becs pointus, les cous longs et minces au même titre que les pattes. Toutefois, il existe au moins 18 espèces valides existantes classifiées selon le congrès ornithologique international. Le héron est aussi souvent confondu avec d’autres échassiers comme les grues. Celles-ci vivent en groupes et ont été de nombreuses fois représentées à tous les âges dans l’histoire de l’art, notamment au Japon. Elles symbolisent la longévité comme la bonne fortune dans la culture nippone. Le grand dessinateur Hiroshige édite de nombreuses estampes dans lesquelles les grues tiennent le rôle principal. À la faveur de l’histoire de l’art, nous pourrions donc voir des grues plutôt que des hérons, quand bien même les oiseaux soient stylisés. Posés sur des feuilles de marécage, ils s’apprêtent à s’envoler en prenant des amorces de vol différentes donnant une dynamique au groupe.

La sculpture est de taille importante. Elle mesure 52 centimètres de hauteur pour 68 centimètres de largeur. Mais en quoi est-elle réalisée ? Si le socle est incontestablement en marbre, les oiseaux et les feuilles sont-ils en bronze ou plutôt en régule ? Le bronze est un alliage de cuivre et d’étain tandis que le régule comprend du plomb de l’antimoine et parfois de l’étain. Suivez ces petits conseils pour faire la distinction : le régule est plus léger que le bronze et n’a pas de patine. Pour combler ce défaut, il peut être peint. Grattez une petite partie non visible. Si vous observez du doré, vous êtes face à un sujet en bronze. À l’inverse, vous possédez un groupe en régule où le blanc-gris apparaît. La différence est d’autant plus difficile que l’artiste a produit des œuvres en bronze comme régule.

La terrasse est signée Rochard pour Irénée Rochard (1906-1984), qui est un prolifique sculpteur du XXe siècle. Si le XIXe marque l’apogée de la sculpture animalière par l’édition de petits bronzes grâce à l’invention du pantographe par Achille Collas, cela se poursuit au XXe siècle. Par ses œuvres, Rochard tend à « rendre hommage aux animaux » comme il le dit si bien lui-même. Son travail peut être rapproché des grands noms de la sculpture Art déco, comme Max Le Verrier et plus encore Gaston-Etienne Le Bourgeois. De son vivant, ses œuvres sont saluées par de nombreuses commandes et plusieurs récompenses comme la Médaille d’or de la Société nationale des beaux-arts ou le Prix Édouard-Marcel Sandoz, qui distingue les meilleurs sculpteurs animaliers. La marque sous chaque oiseau « made in France » indique une fabrication postérieure à 1945.

Irénée Rochard est un artiste accompli, dont les sujets sont régulièrement présentés aux enchères. Or les goûts changent et ses sculptures sont aujourd’hui moins appréciées qu’au siècle dernier. Sous réserve d’un examen physique et suivant la qualité du matériau, nous pourrions donner une estimation du groupe de Martine entre 300 et 500 €. Bonnes promenades et belles observations !
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