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Pour une semaine pleine de style… mais pas d’époque !

Samedi 15 mai 2021 à 07h

Aujourd’hui, Geneviève nous fait parvenir la photographie d’un meuble. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.



Avant le règne de Louis XIV, le grand mobilier se limite en majorité aux tables, aux coffres et aux cabinets. Le siècle de Louis XIV voit l’émergence de nouveaux types de meubles parmi lesquels les secrétaires et les commodes. Ces dernières destinées à accueillir le linge, ouvrent la voie à des créations à la fois élégantes et fonctionnelles. La période que l’on appelle Régence (1715-1723), entre la mort de Louis XIV et la prise de pouvoir personnelle de Louis XV à sa majorité, prolonge cet âge des créations. Le chiffonnier, meuble haut, comportant un grand nombre de tiroirs voit le jour. Ses compartiments plus petits que ceux de la commode sont plutôt destinés à recevoir les sous-vêtements et les chemises. Lorsque le chiffonnier comporte sept tiroirs il prend le nom de semainier.

Le meuble de Geneviève est tout de suite identifiable grâce à ses sept casiers. De forme haute et mouvementé il repose sur quatre pieds, les deux antérieurs galbés. Il est plaqué de bois de rose, formant une marqueterie de frisage. Le bois de rose est une essence de la famille des Dalbergia et un cousin du palissandre. Il s’agit d’un bois tropical qui n’a rien à voir avec le rosier. Allié avec un bois plus sombre, peut-être du bois de violette, l’entrée des serrures présente la forme d’ailes de papillon. Le semainier est orné de bronze dorés, tels : poignées de tirage, entrées de serrures, chute d’angles, cul de lampe et sabots. Son sommet est coiffé d’un marbre qui paraît de couleur ocre, probablement en jaune de Sienne.

Le style de ce meuble apparaît comme une évidence pour tous les amateurs, avec ses formes galbés et féminines. Il nous replonge dans le règne de Louis XV, mais il n’est pas facile sur photographie d’avoir un avis catégorique sur son époque de création. Le montage des tiroirs, la minceur du placage, la régularité du sciage permettent d’établir un faisceau d’indices. Ce meuble, quoi qu’en état exceptionnel s’il datait du XVIIIe siècle, paraît plutôt fidèle aux productions d’époque. Toutefois notre lectrice nous fait part d’un élément qui nous permet d’être catégorique : il est « signé Marquant P. ». À partir de 1637 les ébénistes ont l’obligation d’apposer sur leurs créations une signature frappée au fer que l’on appelle estampille. Pourtant, il faut attendre la Régence pour voir l’emploi des estampilles se propager. En 1743, une confrérie des ébénistes, appelée Jurande des maîtres Menuisiers Ébénistes, est constituée. Dès lors la marque « JME » est apposée à côté de l’estampille de chaque maître. Mais notre lectrice ne doit pas perdre son temps à rechercher cette seconde marque, en effet, après des recherches il apparaît que « Marquant P. » est actif au milieu du XXe siècle. Toujours à la mode à cette époque, des artisans copient le splendide mobilier Louis XV mais avec des techniques modernes. De belle qualité, soigné dans les détails, il n’en demeure pas moins que ces meubles n’ont pas la magie des travaux exécutés avec les moyens du passé.
Un semainier estampillé du XVIIIe siècle pourrait valoir plusieurs milliers d’euros en vente aux enchères. Le modèle de Geneviève, parce qu’il est bien exécuté mais deux cents ans trop tard, entre 200 et 400 euros. Un prix désormais attractif pour rompre avec la monotonie des meubles suédois au profit du charme à la française.
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