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Monet, point de vue impressionniste sur Dieppe

Vendredi 14 mai 2021

La Gazette Drouot, La Une, Anne Doridou-Heim

Claude Monet (1840-1926), La Ville de Dieppe, 1882, huile sur toile, 60 x 74 cm.
Estimation : 1,5/2 M€

Les subtiles variations lumineuses de Claude Monet vibrent pour évoquer la cité dieppoise, ouvrant vers la mer et un nouvel horizon.

Le 5 février 1882, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Claude Monet (1840-1926) part de Poissy pour rejoindre Dieppe qu’il atteint avec un peu de retard, ayant manqué sa correspondance à Mantes. Rejoindre la cité balnéaire n’est évidemment pas un hasard, il est un enfant de la Normandie et Dieppe sera, au temps des impressionnistes, le lieu d’une colonie d’artistes où l’émulation le dispute aux enjeux et au syncrétisme. Renoir, Pissarro, mais aussi Degas, Boudin et Blanche vont y séjourner, attirés par la qualité de la lumière de la Côte d’Albâtre. Il va demeurer deux mois au Grand Hôtel du Nord et Victoria, un établissement idéalement situé en face du quai des paquebots pour l’Angleterre, qui lui coûte 20 francs par jour et dont il se plaint souvent dans les courriers adressés à Alice Hoschedé, sa compagne. Il partira ensuite, quelques kilomètres plus loin, se poser sur les côtes rocheuses de Pourville.

Durant cette période, il se promène beaucoup, admirant les reflets d’argent de la mer et arpentant les chemins des falaises, toujours à la recherche de motifs inédits. Mais il ne réalise que deux toiles, Le Port de Dieppe, le soir (Dixon Gallery and Gardens, Memphis) et celle-ci, La Ville de Dieppe. Empruntant le chemin qui monte par derrière le château, il délivre un résumé impressionniste de la ville, entre fugacité et variations de l’atmosphère. Sa touche fluide et vibrante fait merveille pour restituer, sur fond de camaïeux de bleus et à coups brossés de verts, de jaunes et de rouges, un point de vue sur la cité et la mer en plongée depuis la fière silhouette de la forteresse médiévale. Au deuxième plan s’élèvent l’église Saint-Jacques et le clocher d’ardoise de l’église Saint-Rémy émergeant au milieu des toits de la ville ancienne, alors qu’au fond, le port est noyé dans un halo brumeux. Un petit personnage – le peintre ? – invite à contempler le paysage en sa compagnie. Qui pourrait rêver meilleur guide touristique que Claude Monet pour découvrir Dieppe ?

Ce tableau a déjà vécu plusieurs vies, en débutant par un passage de son créateur à son fils Michel qui ne s’en sépare qu’en 1940, après l’avoir révélé pour la première fois au public. Il est alors acquis par le galeriste André Weil qui, fuyant l’avancée nazie, l’emporte à New York. En janvier 1945, la galerie américaine Knoedler & Co l’achète pour 2 000 $ et le cède à Isabel V. Campbell, l’épouse du financier du même nom. Il est cédé chez Christie’s après son décès, avant qu’un collectionneur japonais, celui qui s’en sépare aujourd’hui, ne l’acquiert. Nanti de son certificat du Wildenstein Institute en date du 23 octobre 2014, il est prêt à découvrir un nouvel horizon…
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