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Un pastel nommé désir

Samedi 13 décembre 2014

Cette semaine, Gérard, de Souesme, requiert les lumières de Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur pour connaître l’époque et la valeur d’un « petit tableau ».

Cette semaine, Gérard, de Souesme, requiert les lumières de Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur pour connaître l’époque et la valeur d’un « petit tableau ».

Ce tableau, ce pastel, figure une jeune femme laissant paraître sa gorge dénudée jusqu’à frôler l’indécence. Elle surgit d’un drapé pourpre qui théâtralise la scène, tout en délimitant l’intime du public. Sa main droite, portée à la bouche, suggère la surprise et ajoute une note sensuelle à la composition. Ses cheveux sont blonds, sa carnation et sa robe blanches. Autant de couleurs claires qui symbolisent la fraîcheur et qui sont parfaitement misent en valeur, voir sublimées par ce fond sombre. À sa gauche est posée une jardinière garnie d’une plante dont les fleurs roses rappellent le ton de ses pommettes. Belle et instruite, elle feuillette un cahier de sa main gauche. Poème d’amour ? Chant langoureux ? Le travail du peintre s’arrête ici. Tous ces éléments, toutes ces suggestions sont désormais à la disposition du spectateur et de son imagination.

Le pastel naît en France ou enItalie à la fin du XVe. En lieu et place de la peinture et du pinceau, on utilise des bâtonnets constitués de pigments, d’une charge : de la craie et d’un liant : de la gomme arabique pour les pastels secs et de la cire ou de l’huile pour les pastels gras. La force et la luminosité inégalables de ses couleurs, la possibilité qu’il offre de dessiner de façon spontanée et son aptitude à reproduire avec grande finesse tissus et textures font de lui un incontournable dans l’art du portrait. Art qui connaît son âge d’or au XVIIIe. C’est à cette époque que naissent les représentations intimes. Semblant croquées sur le vif, elles font la part belle aux expressions du visage et aux émotions.Sous Louis XVI, les portraits de Mme Vigée-Lebrun, par exemple, sont le reflet d’un courant sentimental qui s’exprime avec beaucoup de douceur et de féminité.Il va de même avec ceux de Greuze dont l’œuvre de notre lecteur s’inspire directement.

Un spécialiste lui a affirmé qu’il ne s’agissait non pas d’un pastel mais de « craie d’art ». Mais qu’est-ce que le pastel sinon une « craie d’art » ? Il mesure 27par 22 cm et n’est ni daté, ni signé. Le style nous permet néanmoins de situer cette œuvre à la fin du XIXe, dans le goût du XVIIIe. Le tampon au dos a ici peu d’importance, il s’agit du nom du marchand de couleurs qui a vendu cette toile à l’artiste. Le papier sur lequel est réalisé le pastel est marouflé, c’est-à-dire collé, sur cette toile. Comme le précise Gérard, les bords sont abîmés et présentent des manques mais l’essentiel de l’œuvre semble en bon état. Elle paraît néanmoins inaboutie et fortement restaurée sur près d’un tiers de sa surface. Tiers qui correspond à cette draperie inélégante, qui devrait normalement être un faire-valoir. Peut-être est-elle là pour cacher des repentirs… Cette remarque est à mettre en parallèle avec le fond chocolat, lui aussi incertain.Ce portrait est né de la main d’un artiste certes talentueux mais néanmoins amateur et donc dénué de cote. Ceci nous conduit à une estimation prudente autour de 30 € en brocante. Mais rien ne vaut un examen direct !
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