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Pour se rincer l'oeil...

Samedi 15 novembre 2014

Cette semaine, Chantal nous écrit de l’Indre au sujet d’un curieux objet « trouvé dans une déchetterie » dont elle ignore l’usage. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, lui répond.

Cet ustensile, qui doit mesurer de 4 à 5 cm de haut, présente en partie supérieure un petit bassin relativement profond de forme navette. Il repose sur un pied rond à étranglement que l’on nomme piédouche. La couleur blanche immaculée du matériau qui le compose ne peut guère nous tromper : il s’agit de porcelaine. Aucun décor ni fioriture pour cet objet relativement simple, certainement fruit d’une production industrielle. Hypothèse confirmée par les dires de notre lectrice puisqu’elle nous informe en avoir trouvé beaucoup dans cette déchetterie. S’il peut rappeler la forme d’un coquetier, il sera bien difficile d’y faire tenir un œuf ! Il fera en revanche votre bonheur, chez vous comme à l’hôpital, si vos yeux nécessitent des soins, car cet ustensile est un bain-d’œil.

Son usage est simple, rempli d’un liquide apaisant, comme une lotion à la camomille ou tout simplement d’eau, il permet de traiter irritations, orgelets, conjonctivites mais aussi de chasser les poussières et de réhydrater un œil fatigué. Sa coupe, de forme ovale, épouse la forme de l’œil de façon quasi hermétique, grâce à ses extrémités relevées. Nombre de matériaux sont utilisés pour la confection de ces objets. En tant que matériel médical, l’étain ou le métal blanc est privilégié. En revanche, en tant qu’ustensile de toilette, il n’échappe pas au goût du luxe. Les plus recherchés sont en verre soufflé, en cristal taillé, en porcelaine à décor émaillé, en argent ciselé, voir en vermeil, de l’argent doré à l’or fin. Aux XVIII et XIXe siècles, s’il est seul, un étui en maroquin le protège et il n’est jamais absent d’un nécessaire de toilette digne de ce nom. La première moitié du XIXe nos offre une production de nécessaires particulièrement riche et luxueuse. Indispensable au cours d’un voyage, ce coffret de bois précieux renferme l’ensemble des éléments nécessaires à l’hygiène de son possesseur. Les plus prestigieux sont faits d’argent, d’écaille, d’ivoire et de bois des îles : flacons à senteurs, brosses, boîtes à poudre, cure-oreille, pince à épiler, bain-d’œil etc. L’inventaire après décès de l’Impératrice Joséphine mentionne d’ailleurs une « baignoire oculaire ».

Ni décor, ni étui ne viennent malheureusement enrichir le bain-d’œil de notre lectrice qui provient certainement d’un hôpital n’en ayant plus l’utilité. Produits à de nombreux exemplaires, rarement utilisés de nos jours, vous en trouverez très facilement sur les brocantes et sur internet. Pour celui-ci, n’en attendez guère plus d’un euro… Le même, en argent, datant du XIXe, aurait pu se négocier autour de 40 €. Pour l’anecdote, citons un rare bain-d’œil du XVIIIe en porcelaine de Boissettes, vendu plus de1 500 € à Paris, en 2008. On ne sait jamais, ouvrez l’œil !
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