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Cueillettes d'asperges...

Samedi 01 novembre 2014

Cette semaine René, de Blois, sollicite les lumières de Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur pour connaître la valeur de trois assiettes. Ne souhaitant pas les vendre, notre lecteur est à la recherche de « tout renseignement utile à son bonheur personnel ». Noble démarche !

Cette semaine René, de Blois, sollicite les lumières de Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur pour connaître la valeur de trois assiettes. Ne souhaitant pas les vendre, notre lecteur est à la recherche de « tout renseignement utile à son bonheur personnel ». Noble démarche !

Cette assiette de forme ronde émaillée blanc, présente un décor champêtre animé d’une paysanne et d’une fillette jouant, d’un garçonnet et d’un corbeau près d’une bassine. À première vue, on pourrait croire à de la porcelaine. La signature présente au revers nous prouvera que non.« HB & C / Choisy le Roi » sous une couronne fermée. Cette marque, apposée après 1878, est celle de la faïencerie Hyppolyte Boulenger, à Choisy-le-Roi, près de Paris. Créée en 1804, cette manufacture développe un nouveau procédé : la pâte fine. Contrairement à une faïence traditionnelle, dont la base d’argile est recouverte d’un émail blanc opaque, la faïence fine est réalisée à partir d’une terre blanche recouverte d’un émail transparent en vue d’imiter la porcelaine. Le décor est appliqué par décalcomanie et non peint à la main. Véritable industrie, 300 000 pièces sortent des ateliers chaque semaine en 1880 et pas moins de 1 400 ouvriers y travaillent en 1930 ! L’assiette de notre lecteur, semblable à une classique assiette plate, présente une cavité ovoïde dans le bassin qui fait son intérêt. Destinée à recevoir vinaigrette ou sauce blanche elle est destinée à la dégustation des asperges. Légume de luxe Ronsard en vante les mérites : « L’artichaut et la salade / L’asperge et la pastenade, / Et les pompons tourangeaux, / Me sont herbes plus friandes / Que les royales viandes / Qui se servent à Monceau ».

Cent ans plus tard, pas question pour Louis XIV, de n’en déguster qu’au printemps ! Il chargea son jardinier de trouver un moyen d’en produire toute l’année, il le fit, l’asperge blanche était née. Au XIXème, sa culture se répand en région parisienne, notamment à Argenteuil. C’est dans cette ville qu’en 1870 un gendarme solognot ramasse quelques griffes de ce légume pour les planter chez lui et donner naissance à la célèbre asperge solognote ! La première botte est dégustée par le Maréchal de Mac Mahon. En 1880, Manet livre à un riche collectionneur un œuvre figurant une botte d’asperges. Le commanditaire, ravi, lui verse non pas les 800 F demandés mais 1 000 F. Manet, à qui l’humour et l’esprit ne font pas défaut, peint une asperge et fait envoyer ce petit tableau accompagné de ce mot : « Il en manquait une à votre botte ». L’assiette de notre lecteur n’est pas en très bon état. On remarque un éclat et la pâte à jauni, bruni même, du fait d’infiltrations sous l’émail. Modèle peu courant, il n’est cependant pas très recherché. Si les deux autres assiettes du service que possède René sont dans le même état, comptez, en brocante, 20 € pour l’ensemble. Avoir une suite de six serait plus valorisant, il en manque trois à votre botte !
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