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Le visage du Christ pour fêter Pâques

Samedi 03 avril 2021 à 07h

Cette semaine, Christophe, de Vineuil, nous fait parvenir la photographie « d’une représentation du Christ, une sorte d’impression sur tissu ». S’il nous dit ne pas savoir grand chose sur cet objet, notre commissaire-priseur, Me Philippe Rouillac, va s’efforcer de l’éclairer.



Si les musées restent fermés aujourd’hui pour les raisons que nous connaissons tous, en revanche les églises vous accueillent les portes grandes ouvertes surtout à l’occasion de la fête de Pâques. Profitez de ce week-end « à demi confiné » pour vous promener en leur sein et admirer les trésors qu’elles conservent. À cette occasion, vous pourrez probablement contempler des tableaux voire des sculptures – comme à Saint-Pierre de Rome – figurant une femme tenant un linge sur lequel est dessiné le visage du Christ. Vous serez face à sainte Véronique qui est toujours reconnaissable à cet attribut iconographique. Et pour cause, lorsque le Christ porte sa croix pour être crucifié sur le mont Golgotha, la sainte essuie son visage avec un linge. Les traits du Christ apparaissent et se conservent pour toujours. Dans chacune de nos églises, cet épisode est figuré à la sixième station du chemin de croix, bien que l’événement ne soit pas relaté dans les Évangiles. L’histoire se diffuse au début de la période médiévale, vers les VIIe et VIIIe siècles, pour s’inscrire à jamais dans la tradition chrétienne.

L’objet de notre lecteur s’inscrit dans cette iconographie de la Veronica, qui n’est pas à confondre toutefois avec le Saint Suaire de Turin. Celui-ci aurait effectivement servi aux Saintes Femmes à inhumer le corps du Christ au tombeau. Véritable icône, notre « véronique » montre le visage du Christ martyrisé après sa Passion. Les blessures causées notamment par la couronne d’épines sont visibles. Des gouttes de sang, de sueur et des larmes sont matérialisées par des coulées. À n’en pas douter, le sujet est sacré. Pour autant, la pièce n’est pas l’original, quand bien même l’image est présentée sur un tissu de lin. De nombreuses estampes sont imprimées à la suite de l’ostension des principales reliques, le samedi 6 janvier 1849. Ce soir dans la Basilique Saint-Pierre de Rome, un miracle est partagé par les chanoines et un certain nombre de fidèles. Ils semblent apercevoir sur ce « suaire les traits du visage du Seigneur imprimés d’une manière qu’ils n'avaient jamais vue auparavant … le visage ayant une couleur similaire à celle d'un cadavre ». Selon les témoignages des croyants, un dessin est réalisé pour ensuite être diffusé à partir de 1849. Le graveur Antonio Shiovoni est à l’œuvre. Mais ces images ne sont pas destinées à la vente, comme l’indique le tampon en bleu présentant l’inscription « gratis ». Cette mention permet de garantir l’absence de commerce violant le caractère caractère religieux. Les images imprimées étaient envoyées dans différentes communautés pour dispenser le message et la dévotion christique. Tel est le cas des bénédictins d’Arras qui reçoivent en 1851 plusieurs exemplaires. Ils les donnent en retour au carmel de Tours qui donne à son tour deux exemplaires à Monsieur Dupont pour fêter le dimanche des Rameaux. Cet ancien magistrat – élevé au rang des bienheureux en 1983 – en installe une à l’adoration nocturne et l’autre dans son salon, devant laquelle il dépose une petite lampe à huile qui brille jour et nuit. Monsieur Dupont obtient la guérison d’un aveugle par onction de cette huile. Il s’efforce alors de diffuser le culte de la Sainte Face en offrant lui-même des reproductions de cette image à des milliers d’exemplaires en Europe, en Martinique et même aux États-Unis.

On comprend donc aisément que la diffusion de cette image n’est pas liée à l’enrichissement personnel comme le font les marchands du temple. Difficile donc d’évaluer la valeur monétaire de cette gravure au culte établi. N’étant pas rare, nous pouvons toutefois donner une estimation de quelques dizaines d’euros. Mais mieux vaut la valeur religieuse, à la vénalité terrestre.
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